foncé ; et enfin ceux dont toute la surface est d’un blanc
éclatant comme celui de la neige.
Mais nous venons de voir le dauphin de la Nature ;
voyons celui des poètes. Suspendons un moment l’histoire
de la puissance qui crée, et jetons les jeux sur
les arts qui embellissent.
Nous voici dans l’empire de l’imagination ; la raison
éclairée, qu’elle charme, mais qu’elle n’aveugle ni ne
séduit, saura distinguer dans le tableau que nous allons
essajer de présenter, la vérité parée des voiles brillans
de la fable.
Les anciens habitans des rives fortunées de la Grèce
connoissoient bien le dauphin : mais la vivacité de leur
génie poétique ne leur a pas permis de le peindre tel
qu’il est; leur morale religieuse a eu besoin de le métamorphoser
et d’en faire un de ses tjpes. Et d’ailleurs ,
la conception d’objets chimériques leur étoit aussi
nécessaire que le mouvement l’est au dauphin. L’esprit,
comme le corps, use de toutes ses forces, lorsqu’aucun
obstacle ne l’arrête ; et les imaginations ardentes n’ont
pas besoin des sentimens profonds ni des idées lugubres
que fait naître un climat horrible, pour inventer
des causes fantastiques, pour produire des êtres
surnaturels, pour enfanter des dieux. Le plus beau ciel
a ses orages ; le rivage le plus riant a sa mélancolie. Les
champs thessaliens, ceux de l’Attique et du Péloponnèse,
n’ont point inspiré cette terreur sacrée, ces noirs
pressentimens, ces tristes souvenirs qui ont élevé le
trône d’une sombre mjthologie au milieu de palais de
nuages et de fantômes vaporeux, au-dessus des promontoires
menaçans, des lacs brumeux et des froides forêts
delà valeureuse Calédonie, ou de l’héroïque Hibernie:
mais la vallée de Tempe, les pentes fleuries de l’Hj-
mète, les rives de l’Eurotas, les bois mystérieux de
Delphes, et les heureuses Cjclades, ont ému la sensibilité
des Grecs par tout ce que la Nature peut offrir
de contrastes pittoresques, de pajages romantiques,
de tableaux majestueux, de scènes gracieuses, de monts
verdojans, de retraites fortunées, d’images attendrissantes,
d’objets touchans, tristes, funèbres même, et
cependant remplis de douceur et de charmes. Les bosquets
de l’Arcadie ombrageoient des tombeaux; et les
tombeaux étoient cachés sous des tiges de roses.
La mjthologie grecque, variée et immense comme la
belle Nature dont elle a reçu le jour, a dû soumettre
tous les êtres à sa puissance.
Auroit-elle pu dès-lors ne pas étendre son influence
magique jusque sur le dauphin? Mais si elle
a changé ses qualités, elle n’a pas altéré ses formes. Ce
n’est pas la mjthologie qui a dénaturé ses traits; ils ont
été métamorphosés par l’art de la sculpture encore dans
son enfance, bientôt après la fin de ces temps fameux
auxquels la Grèce a donné le nom d’héroïques. J’adopte
à cet égard l’opinion de mon illustre confrère Visconti,
de l’Institut national; et voici ce que pensé à ce sujet
ce savant interprète de l’antiquité*.
* Lettre du citoyen Visconti à Lacepède.