2 0 A H I S T O I R E N A T U R E L L Ê
vit avec surprise une multitude de poissons se jeter à
la côte, et un grand nombre de marsouins entrer dans
le port d’Audierne, Le 14, à six heures du matin, la mer
étoit fort grosse ; et les vents souffloient du sud-ouest
avec violence. On entendit vers le cap Estain des mu-
gissemens extraordinaires, qui retentissoient dans les
terres à plus de quatre kilomètres. Deux hommes*
qui côtoyoient alors le rivage, furent saisis de frayeur*
sur-tout lorsqu’ils apperçurent un peu au large des
animaux énormes, qui s’agitaient avec violence, s’effor-
çoient de résister aux vagues écumantes qui les rou-
loient et les précipitaient vers la côte, battoient
bruyamment les flots soulevés, à coups redoublés de
leur large queue, et rejetaient avec vivacité par
leurs évents une eau bouillonnante, qui s’élançoit en
sifflant. L’effroi des spectateurs augmenta lorsque les
premiers de ces cétacées, n’opposant plus à la mer
qu’une lutte inutile* furent jetés sur le sable; il redoubla
encore lorsqu’ils les virent suivis d’un très-grand
nombre d’autres colosses vivans. Les macrocéphales
étaient cependant encore jeunes; les moins grands
n’avoient guère plus de douze mètres de longueur , et
les plusÉgrands n’en avoient pas plus de quinze ou
seize. Ils vécurent sur le sable vingt-quatre heures ou
environ.
Il ne faut pas être étonné que des milliers de pois-
' sons, troublés et effrayés, aient précédé l’arrivée de ces
cétacées, et fui rapidement devant eux. En effet, le
Macrocéphale nese nourrit pas seulement du mollusque
seiche, que quelques marins anglois appellent squildou
squïll, qui est très-commun dans les parages qu’il fréquente,
qui est très-répandu particulièrement auprès
des côtes d’Afrique et sur celles du Pérou,"et qui y parvient
à une grandeur si considérable, que son diamètre
y est quelquefois de plus d’un tiers de métré . Il n ajoute
pas seulement d’autres mollusques a cette nourriture;
il est aussi très-avide de poissons, notamment de cy—
cloptères. On peut voir dans Duhamel qu on a trouve
des poissons de deux mètres de longueur dans l'estomac
du macrocéphale. Mais voici des ennemis bien autrement
redoutables, dont ce cétacée fait ses victimes. Il
poursuit les phoques,.les baleinoptères à bec, les dauphins
vulgaires. Il chasse les requins avec acharnement;'
et ces squales, si dangereux pour tant d’autres animaux,
sont, suivant Otho Fabriciùs, saisis d’une telle
frayeur à la vue du terrible macrocéphale, qu’ils s’empressent
de se cacher sous le sable ou sous la vase *
qu’ils se précipitent au travers des écueils, qu’ils se
jettent contre les rochers avec assez de violence pour
se donner la mort, et qu’ils n’osent pas même approcher
de son cadavre, malgré l’avidité avec laquelle ils
dévorent les restes des autres cétacées. D’après la rela*
Observations faites par M? Starbuc , capitaine de vaisseau des États-
Unis et communiquées à Lacepède par le citoyen Jbseph Dburlen, dfc
Dunkerque, en frimaire de l ’an 4.