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volume d’eau pour qu’un canot puisse en être bientôt
rempli. Elle lance ce fluide avec tant de rapidité, particulièrement
quand elle est animée par des affections
vives, tourmentée par des blessures et irritée par la
douleur, que le bruit de l’eau qui s’élève et retombe
en colonnes ou se disperse en gouttes, effraie presque
tous ceux qui l’entendent pour la première fois, et peut
retentir fort loin, si la mer est très-calme. On a comparé
ce bruit, ainsi que celui que produit l’aspiration
de la baleine, au bruissement sourd et terrible d’un
orage éloigné. On a écrit qu’on le distinguoit d’aussi
loin que le coup d’un gros canon. On a prétendu d’ailleurs
que cette aspiration de l’air atmosphérique et ce
double jet d’eau eommuniquoient à la surface de la
mer un mouvement que l’on appercevoit à une distance
de plus de deux mille mètres : et comment ces effets
seroient-ils surprenans, s’il est vrai, comme on l’a
assuré, que la baleine franche fait monter l’eau qui
jaillit de ses évents jusqu’à plus de treize mètres de
hauteur?
Il paroît que cette baleine a reçu un organe particulier
pour lancer ainsi l’eau au-dessus de sa tête. On
suit du moins que d’autres cétacées présentent cet organe
, dont on peut voir la description dans les Leçons
danatomie comparée de notre savant collègue le citoyen
Cuvier (tome II, page 672); et il existe vraisemblablement
dans tous les cétacées, avec quelques modifications
relatives à leur genre et à leur espèce.
f Cet organe consiste dans deux poches grandes et
membraneuses, formées d’une peau noirâtre et mu-
queusé, ridées lorsqu’elles sont vides, ovoïdes lorsqu’elles
sont gonflées. Ces deux poches sont couchées
sous la peau, au-deVant des évents, avec la partie supérieure
desquels elles communiquent. Des fibres charnues
très-fortes partent de la circonférence du crâne,
sé réunissent au-dessus'de ces poches ou bourses, et
les compriment violemment, à la volonté de l’animal.
Lors donc que le cétacée veut faire jaillir une certaine
quantité d’eau contenue dans sa bouche,il donne
à sa langue et à ses mâchoires le mouvement nécessaire
pour avaler cette eau : mais comme il ferme en même
temps son pharynx, il force ce fluide à remonter dans
les évents; il lui imprime un mouvement assez rapide
pour que cette eau très-pressée soulève une valvule
charnue placée dans l’évent vers son extrémité supérieure,
et au-dessous des poches ; l’eau pénètre dans
les poches; la valvule se referme; l’animal comprime
ses bourses; l’eau en sort avec violence; la valvule, qui
ne peut s’ouvrir que de bas en haut, résiste à son
effort; et ce liquide, au lieu de rentrer dans la bouche,
sort par l’orifice supérieur de l’évent, et s’élève dans
l’air à une hauteur proportionnée à la force de la compression
des bourses.
L’ouverture de la bouche de la baleine franche est
très-grande; elle se prolonge jusqu’au-dessous des
orifices supérieurs des évents; elle s’étend même vers
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