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 Hères,  pour  donner  eux-mêmes  l’existence  à  de  nouveaux  
 individus,  ils  n’en  conservent pas  moins  l’association  
 générale;  et  les  générations  successives,  rassemblées  
 et  liées  par  le  sentiment,  ainsi  que par  une  
 habitude  constante, forment  bientôt  ces  bandes nombreuses  
 que  les navigateurs  rencontrent  sur  les mers,  
 sur-tout sur celles  qui sont  encore peu  fréquentées. 
 Ges  troupes  remarquables  présentent  souvent,  ou  
 les  jeux de la  paix,  ou le  tumulte de  la  guerre.  On les  
 voit,  ou  se  livrer,  comme  les  bélugas,  les  dauphins  
 vulgaires  et les marsouins,  à  des  mouvemens rapides,  
 à  des  élans  subits,  à  des  évolutions  variées,  et,  pour  
 ainsi  dire,  non  interrompues  ;  o u ,  rassemblés  en  
 bandes  de  combattans,  comme  les  cachalots  et  les  
 dauphins gladiateurs, ils concertent  leurs attaques,  se  
 précipitent  contre  les  ennemis  les  plus  redoutables »  
 se battent  avec acharnement,  et  ensanglantent la surface  
 de  la mer. 
 Il  est  aisé de  voir,  d’après la  longueur de  la  vie des  
 plus  grands cétacées,  que,  par exemple, deux  baleines  
 franches,  l’une mâle  et l’autre  femelle, peuvent, avant  
 de  périr,  voir  se  réunir  autour  d’elles  soixante-douze  
 mille  millions  de  baleines  auxquelles  elles  auront  
 donné  le  jour,  ou  dont  elles  seront  la  souche. 
 La durée  de la vie  des  cétacées,  en multipliant,  jusqu’à  
 un  terme  qui  effraie l’imagination,  les  causes du  
 grand nombre  d’individus  qui peuvent être  rassemblés  
 dans  la  même  bande,  et  former,  pour  ainsi  dire,  la 
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 même  association,  n’accroît-elle  pas  beaucoup  aussi  
 celles  qui  concourent  au  développement  de  la  sensibilité, 
  de  l’instinct  et de  l’intelligence? 
 La  vivacité  de  cette  sensibilité  et  de  cette  intelligence  
 est  d’ailleurs  prouvée  par  la  force  de  l’odorat  
 des  cétacées.  Les  quadrupèdes  qui  montrent  le  plus  
 d’instinct,  et  qui  éprouvent  l’attachement  le  plus  vif  
 et le plus durable, sont en effet ceux qui ont un odorat  
 exquis,  tels  que le chien etl’éléphânt.  Or,  les  cétacées  
 reconnoissent  de  très-loin  et  distinguent  avec  netteté  
 les  diverses  impressions  des  substances  odorantes;  et  
 si  l’on  ne  voit  pas  dans  ces  animaux  des  narines  entièrement  
 analogues  à  celles  de  la  plupart  des  quadrupèdes  
 ,  d’habiles  anatomistes,  et  particulièrement  
 Hunter  et Albert,  ortt  découvert  bu  reconnu  dans  les  
 baleines  un  labyrinthe  de  feuillets  osseux,  auquel  
 aboutit le  nerf olfactif,  et qui  ressemble à  celui qu’on  
 trouve dans  les  narines  des  quadrupèdes. 
 Nous  exposerons  dans  divers  articles  de  cette  Histoire, 
   et notamment en traitant de la  baleine  franche,  
 comment  les  cétacées  ont  reçu l’organe  de  la  vue  le  
 mieux  adapté  au  fluide  aqueux  et salé,  et  à  l’atmosphère  
 humide, brumeuse et épaisse, au travers desquels  
 ils doivent appercevoir les  objets;  et ils peuvent l’exercer  
 d autant plus,  et par conséquent le rendre  successivement  
 sensible  à  un  degré  d’autant  plus  remarquable, 
   qu’en  élevant leur tête  au-dessus  de  l’eau,  ils  
 peuvent la placer de manière à étendre sur une calotte