les blocs de glace dans lesquels ils se trouvent engagés,
ont brisé une défense encore trop fragile, comprimé,
déformé , désorganisé l’alvéole au point d’y tarir les
sources de la production de la dent. Souvent alors la
matière osseuse, qui n’éprouve plus d’obstacle, ou qui
a été déviée , obstrue cet alvéole ; et la lèvre supérieure
s’étendant sur une ouverture dont rien ne la
repousse, la voile et la dérobe toùt-à-fait à la vue.
Nous avons une preuve de ces faits dans un phénomène
analogue, présenté par un individu de l’espèce de
l’éléphant, dont les défenses ont tant de rapports avec
celles du narwal. On peut voir dans la riche collection
d’anatomie comparée du Muséum national d’histoire
naturelle, le squelette d’un éléphant mâle, mort il y a
deux ans dans ce Muséum. Que l’on examine cette belle
préparation, que nous devons, ainsi que tant d’autres,
aux soins de mon savant collègue le citoyen Cuvier. On
ne verra de défense que du côté gauche de la mâchoire
supérieure, et l’alvéole de la défense droite est oblitéré.
Cependant non seulement tout le monde sait que
les éléphans ont deux défenses, mais encore l’individu
mort dans la ménagerie du Muséum en avoit deux lorsqu’on
l’a fait partir du château de Loo en Hollande ,
pour l’amener à Paris. C’est pendant sou voyage, et en
s’efforçant de sortir d’une grande et forte caisse de
bois dans laquelle on l’avoit fait entrer pour le transporter,
qu’il cassa sa défense droite. Il avoit alors près
de quatorze ans, et il n’a vécu que cinq ans depuis cet
accident.
Quoi qu’il en soit, quelle arme qu’une défense très-
dure, très-pointue, et de cinq mètres de longueur!
quelles blessures ne doit-elle pas faire, lorsqu’elle est
mise en mouvement par un narwal irrité !
Ce cétacée nage en effet avec une si grande vitesse,
que le plus souvent il échappe à toute poursuite; et
voilà pourquoi il est si rare de prendre un individu de
cette espèce, quoiqu’elle soit assez nombreuse. Cette
rapidité extraordinaire n’a pas été toujours reconnue,
puisqu’Albert, et d’autres auteurs de son temps ou plus
anciens, ont au contraire fait une mention expresse de
la lenteur qu’on attribuoit au narwal. On la retrouve
néanmoins non seulement dans la fuite de ce cétacée,
mais encore dans ses mouvemens particuliers et dans
ses diverses évolutions ; et quoique ses nageoires pec-+
torales soient courtes et étroites, il s’en sert avec tant
d’agilité, qu’il se tourne et retourne avec une célérité
surprenante. 11 n’est qu’un petit nombre de circonstances
où les narwals n’usent pas de cette faculté remarquable.
On ne les voit ordinairement s’avancer avec
un peu de lenteur, que lorsqu’ils forment une grande
troupe; dans presque tous les autres mornens, leur
Vélocité est d’autant plus effrayante, qu’elle anime une
grande maçse. Ils ont depuis quatorze jusqu’à vingt
mètres de longueur, et une épaisseur de plus de quatre
mètres dans l’endroit le plus gros de leur corps : aussi
a-t-on écrit depuis long-temps qu’ils pouvoient se pré-
cipiter, par exemple, contre une chaloupe, l’écarter,