Le poids total de ces derniers individus surpassoit
cent cinquante mille kilogrammes.
On a écrit que les femelles étoient plus grosses que
les mâles. Cette différence, que Buffon a fait observer
dans les oiseaux de proie, et que nous avons indiquée
pour le plus grand nombre de poissons, lesquels
viennent dun oeuf, comme les oiseaux, seroit remarquable
dans des animaux qui ont des mamelles, et qui
mettent au jour des petits tout formés.
Quoi qu’il en soit de cette supériorité de la baleine
femelle sur la baleine mâle, l’une et l’autre, vues de
loin, paroissent une masse informe. On diroit que tout
ce qui s’éloigne des autres êtres par un attribut très-
frappant, tel que celui de la grandeur, s’en écarte aussi
par le plus grand nombre de ses autres propriétés; et
l’on croiroit que lorsque la Nature façonne plus de matière,
produit un plus grand volume, anime des organes
plus étendus, elle est forcée, pour ainsi dire, d’em-
plojer des précautions particulières, de réunir des proportions
peu communes, de fortifier les ressorts en les
rapprochant, de consolider l’ensemble par la juxtaposition
d’un très-grand nombre de parties, et d’exclure
ainsi ces rapports entre les dimensions, que nous considérons
comme les élémens de la beauté des formes,
parce que nous les trouvons dans les objets les plus
analogues à nos sens, à nos qualités, à nos modifications,
et avec lesquels nous communiquons le plus fr£,
quemment. r
Ens’approchant néanmoins de cette masse informe,
on la.voit en quelque sorte se changer en un tout mieux
ordonné. On peut comparer ce gigantesque ensemble
à une espèce de cylindre immense et irrégulier, dont
le diamètre est égal, ou à peu près, au tiers de la
longueur.
La tête forme la partie antérieure de ce cylindre démesuré;
son volume égale le quart et quelquefois le
tiers du volume total de la baleine. Elle est convexe
par-dessus, de manière à représenter une portion d’une
large sphère. Vers le milieu de cette grande voûte, et
un peu sur le derrière, s’élève une bosse, sur laquelle
sont placés les orifices des deux évents.
On donne ce nom d'évents à deux canaux qui partent
du fond de la bouche, parcourent obliquement et en
se courbant l’intérieur de la tête, et aboutissent vers
le milieu de sa partie supérieure. Le diamètre de leur
orifice extérieur est ordinairement le centième, ou environ,
de la longueur totale de l’individu.
Ils servent à rejeter l’eau qui pénètre dans l’intérieur
de la gueule de la baleine franche, ou à introduire jusqu’à
son larynx, et par conséquent jusqu’à ses poumons,
l’air nécessaire à la respiration de ce cétacée, lorsque
ce grand mammifère nage à la surface de la mer, mais
que sa tête est assez enfoncée dans l’eau pour qu’il ne
puisse aspirer l’air par la bouche sans aspirer en même
temps une trop grande quantité de fluide aqueux.
La baleipe fait sortir par ces évents un assez grand