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hauteur de cette nageoire, mesurée le long de sa courbure,
est communément d’un sixième de la longueur
totale du dauphin, et sa longueur d’un neuvième. Elle
présente une échancrure à son bord postérieur, et une
inflexion en arrière à son sommet.
Elle est située au-dessus des seize vertèbres qui
viennent immédiatement après les vertèbres dorsales;
et l’on trouve dans sa base une rangée longitudinale
de petits os alongés, plus gros par le bas que par le
haut, un peu courbés en arrière, cachés dans les muscles,
et dont chacun, répondant à une vertèbre sans
y être attaché, représente un de ces osselets ou ailerons
auxquels nous avons vu que tenoient les rajons des
nageoires des poissons*.
Mais il ne suffit pas de faire observer la célérité de
la natation du dauphin, remarquons encore la fréquence
de ses évolutions. Elles sont séparées par des
intervalles si courts, qu’on penseroit que le repos lui
est absolument inconnu; et les différentes impulsions
qu’il se donne, se succèdent avec tant de rapidité et
produisent une si grande accélération de mouvement,
que, d’après Aristote, Pline, Rondelet, et d’autres auteurs
, il s’élance quelquefois assez haut au-dessus de
la surface de la mer pour sauter par-dessus les mâts
des petits bâtimens. Aristote parle même de la manière
* Histoire naturelle des poissons, — Discours sur la nature de ces
animaux.
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dont ils courbent avec force leur corps, bandent, pour
ainsi dire, leur queue comme un arc très-grand et très-
puissant, et, la détendant ensuite contre les couches
d’eau inférieures avec la promptitude de l’éclair, jaillissent
en quelque sorte comme la flèche de cet arc,
et nous présentent un emploi de mojens et des effets
semblables à ceux que nous ont offerts les saumons et
d’autres poissons qui franchissent, en remontant dans
les fleuves, des digues très-élevées
C’est par un mécanisme semblable que le dauphin se
précipite sur le rivage, lorsque, poursuivant une proie
qui lui échappe, il se livre à des élans trop impétueux
qui l’emportent au-delà du but, ou lorsque, tourmenté
par des insectes* qui pénètrent dans les replis de sa
peau et sjr attachent aux endroits les plus sensibles,
il devient furieux, comme le lion sur lequel s’acharne
la mouche du désert, et, aveuglé par sa propre rage, se
tourne, se retourne, bondit et se précipite au hasard.
Lorsqu’il s’est jeté sur le rivage à une trop grande
distance de l’eau pour que ses efforts puissent l’j ramener,
il meurt au bout d’un temps plus ou moins long,
comme les autres cétacées repoussés de la mer-, et lancés
sur la côte par la tempête ou par toute autre puissance.
L’impossibilité de pourvoir à leur nourriture,
les contusions et les blessures produites par la force du
* Histoire naturelle des poissons, — Histoire du salmone saumon.
a Rondelet, article du dauphin.