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et de physeter en latin; et nous avons cru devoir distinguer
le genre particulier qu’elle forme , par la dénomination
de physalus, dont on s’est déjà servi pour
désigner la force avec laquelle tous les cétacées qu’on
a nommés cachalots font jaillir l’eau par leurs évents,
et qu’on n’avoit pas encore adoptée pour un genre ni
même pour une espèce particulière de ces cétacées
énormes et armés de dents.
De tous les grands animaux, le physale cylindrique
est celui dont les formes ont le plus de cette régularité
que la géométrie imprime aux productions de
l’art, et qui, vu de loin, ressemble peut-être le moins
à un être animé. La forme cylindrique qu’il présente
dans la plus grande partie de sa longueur , le feroit
prendre pour un immense tronc d’arbre, si on connois-
soit un arbre assez gros pour lui être comparé, ou pour
une de ces tours antiques que des commotions violentes
ont précipitées dans la mer dont elles bordoient
le rivage, si on ne le voyoit pas flotter sur la surface
de l’océan.
Sa tête sur-tout ressemble d’autant plus à un cylindre
colossal, que la mâchoire inférieure disparoît, pour
ainsi dire, au milieu de celle d’en-haut, qui l’encadre
exactement, et que le museau, qui paroît comme tronqué,
se termine par une surface énorme, verticale,
presque plane et presque circulaire.
Que l’on se suppose placé au-devant de ce disque
gigantesque, et l’on verra que la hauteur de cette sur-
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face verticale peut égaler celle d’un de ces remparts
frès-élevés qui ceignent les anciennes forteresses. En
effet, la tête du physale cylindrique peut être aussi
longue que la moitié du cétacée, et sa hauteur peut
égaler une très-grande partie de sa longueur.
La mâchoire inférieure est un peu plus courte que
celle d’en-haut, et d’ailleurs plus étroite. L’ouverture
de la bouche, qui est égale à la surface de cette mâchoire
inférieure, est donc beaucoup plus longue que large;
et cependant elle est effrayante : elle épouvante d’autant
plus, que lorsque le cétacée abaisse sa longue
mâchoire inférieure, on voit cette mâchoire hérissée,
sur ses deux bords, d’un rang de dents pointues, très-
recourbées, et d’autant plus grosses qu’elles sont plus
près de l’extrémité du museau, au bout duquel on en
compte quelquefois une impaire. Ces dents sont au
nombre de vingt-quatre ou de vingt-cinq de chaque
côté.’ Lorsque l’animal relève sa mâchoire, elles entrent
dans des cavités creusées dans la mâchoire supérieure.
Et quelle victime, percée par ces cinquante pointes
dures et aiguës, résisteroit d’ailleurs à l’effort épouvantable
des deux mâchoires, qui, comme deux leviers
longs et puissans, se rapprochent violemment, et se
touchent dans toute leur étendue?
On a écrit que les plus grandes de ces dents d’en-
bas présentoient un peu la forme et les dimensions
d’un gros concombre. On a écrit aussi que l’on trou voit
trois ou quatre dents à la mâchoire supérieure. Ces»