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resplendissantes du feu des diamans et des pierres précieuses.
La chair et les sucs de ces mollusques, décomposés
et remaniés, pour ainsi dire, dans les organes de
la baleine franche, ne produisent ni nacre, ni coquille,
ni écailles vivement colorées, mais transmettraient à
un des résultats de la digestion de ce cétacée, des élé-
mens de couleur plus ou moins nombreux et plus ou
moins actifs.
Au reste, a quelque distance que la baleine franche
doive aller chercher l’aliment qui lui convient, elle
peut la franchir avec une grande facilité; sa vitesse est
si grande, que ce cétacée laisse derrière lui une voie
large et profonde, comme celle d’un vaisseau qui vogue
à pleines voiles. Elle parcourt onze mètres par seconde.
Elle va plus vite que les vents alizés; deux fois plus
prompte, elle dépasseroitJes vents les plus impétueux;
trente fois plus rapide, elle auroit franchi l’espace aussitôt
que le son. En supposant que douze heures de
repos lui suffisent par jour, il ne lui faudroit que
quarante-sept jours ou environ pour faire le tour du
monde en suivant l’équateur , et vingt-quatre jours
pour aller d’un pôle à l’autre, le long d’un méridien.
Comment se donne-t-elle, cette vitesse prodigieuse?
par sa caudale, mais sur-tout par sa queue.
Ses muscles étant non seulement très-puissans, mais
très-souples, ses mouvemens sont faciles et soudains.
L’éclair n’est pas plus prompt qu’un coup de sa caudale.
Cette nageoire, dont la surface est quelquefois de
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neuf ou dix mètres carrés, et qui est horizontale, frappe
l’eau avec violence, de haut en bas, ou de bas en haut,
lorsque l’animal a besoin pour s’élever, d’éprouver de
la résistance dans le fluide au-dessus duquel sa queue se
trouve, ou que, tendant à s’enfoncer dans l’océan, il
cherche un obstacle dans la couche aqueuse qui recouvre
sa queue. Cependant, lorsque la baleine part
des profondeurs de l’océan pour monter jusqu’à la
surface de la mer, et que sa caudale agit plusieurs fois
de haut en bas, il est évident qu’elle est obligée, à
chaque coup,1 de relever sa caudale, pour la rabaisser
ensuite. Elle ne la porte cependant vers le haut qu’avec
lenteur, au lieu que c’est avec rapidité qu’elle la
ramène vers le bas jusqu’à la ligne horizontale' et
même au-delà.
Par une suite de cette différence, l’action que le cétacée
peut exercer de bas en haut, et qui l’empêche-
roit de s’élever, est presque nulle relativement à celle
qu’il exerce de haut en bas ; et ne perdant presque
aucune partie de la grande force qu’il emploie pour son
ascension, il monte avec une vitesse extraordinaire.
Mais, lorsqu’au lieu de monter ou de descendre, la
baleine veut s’avancer horizontalement, elle frappe vers
le haut et vers le bas avec une égale vitesse; elle agit
dans les deux sens avec une force égale; elle trouve une
égale résistance ; elle éprouve une égale réaction. La
caudale néanmoins, en se portant vers le bas et vers le
haut, et en se relevant ou se rabaissant ensuite comme
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