lie nage encore qu’avec peine, elle le précède , lui
ouvre la route au milieu des flots agités| ne souffre
pas qu’il reste trop long-temps sous l’eau, l’instruit
par son exemple, l’encourage, pour ainsi dire,, par
son attention , Je soulage dans sa fatigue , lé soutient
lorsqu’il ne feroit plus que de vains efforts, le
prend entre sa nageoire pectorale et son corps, l’embrasse
avec tendresse, le serre avec précaution, le met
quelquefois sur son dos, l’emporte avec elle, modère
ses mouvemens pour ne pas laisser échapper son doux
fardeau, pare les coups qui pourroient l’atteindre,
attaque l’ennemi qui voudroit le lui ravir, et, lors
même qu’elle trouverait aisément son salut dans la
fuite, combat avec acharnement, brave les douleurs les
plus vives, renverse et anéantit ce qui s’oppose à sa
force , ou répand tout son sang et meurt plutôt que
d’abandonner l’être qu’elle chérit plus que sa vie.
Affection mutuelle et touchante du mâle, de la femelle,
et de l’individu qui leur doit-lé jour, première
source du bonheur pour tout.être sensible, la surface
entière du globe ne péut donc vous offrir un asjle*! Ces
immenses mers, ces vastes solitudes,ces déserts reculés
des pôles, ne peuvent donc vous donner une retraite
inviolable ! En vain vous vous êtes confiée à la grandeur
* Voyez particulièrement une lettre de M. de la Co'urtaudiére , adressée
de Saint-Jean-de-Luz à Duhamel , et publiée par ce dernier dans so»
Traité des pêches.
de la distance, à la rigueur des frimas , à la violence
des tempêtes : ce besoin impérieux de jouissances sans
cesse renouvelées, que la société humaine a fait naître,
vous poursuit au travers de l’espace , des orages et
des glaces; il vous trouble au bout du monde, comme
au sein des cités qu’il a élevées; et, fils ingrat de la
Nature, il ne tend qu’à l’attrister et l’asservir!
Cependant quel temps est nécessaire pour que ce
baleineau si chéri, si soigné, si protégé, si défendu,
parvienne au terme de son accroissement?
On l’ignore. On ne eonnoît pas la durée du développement
des baleines': nous savons seulement qu’il
s’opère avec une grande lenteur. 11 y a plus de cinq ou
six siècles qu’on donne la chasse à ces animaux; et néanmoins
, depuis le premier carnage que l’homme en a
fait, aucun de ces cétacées ne paroît avoir encore eu
le temps nécessaire pour acquérir le volume qu'ils pré-
sentoient lors des premières navigations et des premières
pêches dans les mers polaires. La vie de la baleine
peut donc être de bien des siècles; et lorsque
Buffon a dit, Une baleine peut bien vivre- mille ans, puis-
qu une carpe en vit plus de deux cents, il n’a rien dit
d’exagéré. Quel nouveau sujet de réflexions !
Voilà, dans le même objet, l’exemple de la plus longue
durée, en même temps que de la plus grande masse;
et cet être si supérieur est un des habitans de l’antique
océan.
Mais quelle quantité d’alimens et quelle nourriture