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illustre confrère m’a fait parvenir ces notes, avec un
dessin d’un gladiateur mâle pris dans la Tamise le
i o juin 1793. Ce cétacée, après avoir été percé de trois
harpons, remorqua le bateau dans lequel étoient les
quatre personnes qui l’avoient blessé, l’entraîna deux
fois depuis Blackwall jusqu’à Greenwich, et une fois
jusqu’à Deptford, malgré une forte marée qui parcourait
huit milles dans une heure, et sans être arrêté
par les coups de lance qu’on lui portoit toutes les fois
qu’il paroissoit sur l’eau. Il expira devant l’hôpital de
Greenwich. Ce gladiateur, dont nous avons fait graver
la figure, avoit trente-un pieds anglois de longueur,
et douze pieds de circonférence dans l’endroit le plus
gros de son corps.
Pendant qu’il respirait encore, aucun bateau n’osa
en approcher, tant on redoutoit les effets terribles de
sa grande masse et de ses derniers efforts.
La force de ce dauphin gladiateur rappelle celle d’un
autre individu de la même espèce, qui arrêta le cadavre
d’une baleine que plusieurs chaloupes remor-
quoient, et l’entraîna au fond de la mer.
Les gladiateurs vont par troupes : lors même qu’ils
ne sont réunis qu’au nombre de cinq ou six, ils osent
attaquer la baleine franche encore jeune; ils se précipitent
sur elle, comme des dogues exercés et furieux
se jettent sur un jeune taureau. Les uns cherchent à
saisir sa queue, pour en arrêter les redoutables mou-
yemens ; les autres l’attaquent vers la tête. La jeu n e
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baleine, tourmentée, harassée, forcée quelquefois de
succomber sous le nombre, ouvre sa vaste gueule; et
à l’instant les gladiateurs affatnés et audacieux déchirent
ses lèvres, font pénétrer leur museau ensanglanté
jusqu’à sa langue, et en dévorent les lambeaux
avec avidité. Le vojageur de Pagès dit avoir vu une
jeune baleine fuir devant une troupe cruelle de ces
voraces et hardis gladiateurs, montrer de larges blessures
, et porter ainsi l’empreinte des dents meurtrières
de ces féroces dauphins.
Mais ces cétacées ne parviennent pas toujours à rencontrer,
combattre, vaincre et immoler de jeunes baleines
: les poissons forment leur proie ordinaire.
Je lis dans les notes manuscrites dont je dois la con-
noissance à sir Joseph Banks, que pendant une quinzaine
de jours, où six dauphins gladiateurs furent vus
dans la Tamise, sans qu’on pût les prendre, les aloses
et les carrelets furent extraordinairement rares.
On a trouvé les cétacées dont nous parlons dans le
détroit de Davis et dans la Méditerranée d’Amérique ,
ainsi qu’auprès du Spitzberg. Ils peuvent fournir de
l’huile assez bonne pour être recherchée.
Toute leur partie supérieure est d’un brun presque
noir, et leur partie inférieure d’un beau blanc. Cette
couleur blanche est relevée par une tache noirâtre,
très-longue, très-étroite et pointue, qui s’étend de
chaque côté de la queue en bande longitudinale, et