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LE DAUPHIN F É R È S *.
C E cétacée, dont le professeur Bonnaterre a le premier
publié la description, a le dessus de la tête élevé et
convexe, et le museau arrondi et très-court. Une mâchoire
n’avance pas plus que l’autre. On compte à celle
d’en-haut, ainsi qu’à celle d’en-bas, vingt dents inégales
en grandeur, et dont dix sont plus grosses que les
autres, mais qui sont toutes semblables par leur figure.
La partie de chaque dent que l’alvéole renferme,- est
égale à celle qui sort des gencives, et représente un cône
recourbé et un peu aplati : l’autre partie est arrondie
à son sommet, ovoïde , et divisée en deux lobes par une
rainure longitudinale. La peau qui recouvre le férès est
fine et noirâtre. Ce dauphin parvient à une longueur
de près de cinq mètres. Celle de l’os du crâne est le
septième ou à peu près de la longueur totale du
cétacée.
Le 22 juin 1787, un bâtiment qui venoit de Malte,
ayant mouillé dans une petite plage de la Méditerranée,
voisine de Saint-Tropès, du département du
Yar, fut bientôt environné d’une troupe nombreuse
* Delphinus feres.
Dauphin férès, Bonnaterre, plçmcfyes de l ’Encyclopédie méthodique.
de férès, suivant une relation adressée par M. Lambert,
habitant de Saint-Tropès, à M. l’abbé Turles, chanoine
de Fréjus, et envojée par ce dernier au professeur
Bonnaterre*. Le capitaine du bâtiment descendit dans sa
chaloupe, attaqua un de ces dauphins, et le perça d’un
trident. Le cétacée, blessé et cherchant à fuir, auroit
entraîné la chaloupe, si l’équipage n’avoit redoublé
d’efforts pour la retenir. Le férès lutta avec une nouvelle
violence ; le trident se détacha, mais enleva une
large portion de muscles : le dauphin poussa quelques
cris-, tous les autres cétacées se rassemblèrent autour
de leur compagnon ; ils firent entendre des mugissemens
profonds, qui effrayèrent le capitaine et ses matelots,
et ils voguèrent vers, le golfe de Grimeau , où ils rencontrèrent,
dans un grand nombre de pêcheurs, de
nouveaux ennemis. On les assaillit à coups de hache ;
leurs blessures et leur rage leur arrachoient des sijfle-
mens aigus. On tua, dit-on, près de cent de ces férès ; la
mer étoit teinte de sang dans ce lieu de carnage. On
trouva les individus immolés remplis de graisse; et leur
chair parut rougeâtre comme celle du boeuf.
* Bonnaterre, planches de VEncyclopédie méthodique.