de quelques temples gothiques ; ou plutôt il faut que
nous comparions la longueur de la baleine entièrement
développée, à la hauteur de ces monts qui forment les
rives de tant de fleuves, lorsqu’ils ne coulent plus qu a
une petite distance de l’Océan, et particulièrement a
celle des montagnes qui bordent les rivages de la Seine.
En vain, par exemple, placerions-nous par la pensée
une grande baleine auprès d’une des tours du principal
temple deParis ; en vain la dresserions-nous contre
ce monument : un tiers de l’animal s’éleveroit au-dessus
du sommet de la tour.
Long-temps ce géant des géans a exercé sur son vaste
empire une domination non combattue.
Sans rival redoutable, sans besoins difficiles à satisfaire,
sans appétits cruels, il régnoit paisiblement sur
la surface des mers dont les vents ne bouleversoient
pas les flots, ou trouvoit aisément, dans des baies
entourées de rivages escarpés, un abri sûr contre les
fureurs des tempêtes.
Mais le pouvoir de l’homnîe a tout changé pour là
baleine. L’art de la navigation a détruit la sécurité ,
diminué le domaine, altéré la destinée du plus grand
des animaux. L’homme a su lui opposer un volume
égal au sien, une force égale à la sienne. Il a construit,
pour ainsi dire, une montagne flottante; il 1 a animée,
en quelque sorte, par son génie; il lui a donné la résistance
des bois les plus compactes ; il lui a imprimé
la vitesse des vents, qu’il a su maîtriser par ses voiles;
et, la conduisant contre le colosse de l’Océan, il la
contraint à fuir jusque vers les extrémités du monde.
C’est malgré lui néanmoins que l’homme a ainsi relégué
la baleine. Il ne l’a pas attaquée pour l’éloigner
de sa demeure, comme il en a écarté le tigre, le condor,
le crocodile, et le serpent devin : il l’a combattue pour
la conquérir. Mais pour la vaincre il ne s’est pas contenté
d’entreprises isolées et de combats partiels ; il a
médité de grands préparatifs, réuni de grands moyens,
concerté de grands mouvemens, combiné de grandes
manoeuvres ; il a fait à la baleine une véritable guerre
navale ; et la poursuivant avec ses flottes jusqu’au milieu
des glaces polaires, il a ensanglanté cet empire du
froid, comme il avoit ensanglanté le reste de la terre ;
et les cris du carnage ont retenti dans ces montagnes
flottantes, dans ces solitudes profondes, dans ces asjles
redoutables des brumes, du silence et de la nuit.
Cependant, avant de décrire ces terribles expéditions,
connoissons mieux cette énorme baleine.
Les individus de cette espèce, que l’on rencontre r
une assez grande distance du pôle arctique, ont depuis
vingt jusqu’à quarante mètres de longueur. Leur circonférence
, dans l’endroit le plus gros de leur tête, de
leur corps ou de leurqueue, n’est pas toujours dans la
même proportion avec leur longueur totale. La plus
. grande circonférence surpassoit en effet la moitié de la
longueur dans un individu de seize mètres de long'; elle
n’égaloit pas cette même longueur totale clans d’autres
individus longs de plus de trente mètres.