avec quel noble enthousiasme le naturaliste qui brave
les tempêtes de l’océan pour augmenter le dépôt sacré
des connoissances humaines, ne doit-il pas contempler,
auprès des montagnes de glace que le froid entasse
Vers les pôles, ces colosses vivans, ces monumens de
la Nature, qui rappellent les anciennes époques des
métamorphoses de la terre!
A ces époques reculées , les immenses cétacées ré-
gnoient sans trouble sur l’antique océan. Parvenus à
une grandeur bien supérieure à celle qu’ils montrent
de nos jours, ils voyoient les siècles s’écouler en paix.'
Le génie de l’homme ne lui avoit pas encore donné la
domination sur les mers; l’art ne les avoit pas dispu-,
tées à la Nature.
Les cétacées pouvoient se livrer, sans inquiétude, à
cette affection que l’on observe encore entre les individus
de la même troupe', entre le mâle et la femelle,
entre la femelle et le petit qu’elle allaite, auquel elle
prodigue les soins les plus touchans, qu’elle élève, pour
ainsi dire, avec tant d’attention, qu’elle protège avec
tant de sollicitude, qu’elle défend avec tant de courage.
Tous ces actes, produits par une sensibilité très-vive,
l’entretiennent, l’accroissent, l’animent. L’instinct,
résultat nécessaire de l’expérience, et de la sensibilité,
se développe , s’étend, se perfectionne. Cette habitude
d’être ensemble, de partager les jouissances, les craintes
et les dangers, qui lie par des liens si étroits, et les céta-
cées de la même bande, et sur-tout le mâle et la femelle,
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x.vij,
la femelle et le fruit de son union avec le mâle, a dû
ajouter encore à cet instinct que nous reconnoîtrons
dans ces animaux, ennoblir en quelque sorte sa nature,
le métamorphoser en intelligence. Et si nous cherchons
en vain dans les actions des cétacées, des effets de cette
industrie que l’on eroiroit devoir regarder comme la
compagne nécessaire de l’intelligence et de la sensibilité,
c’est que les cétacées n’ont pas besoin, par exemple,
comme les castors, de construire des digues pour arrêter
des courans d’eau trop fugitifs, d’élever des huttes
pour s’y garantir des rigueurs du froid, de rassembler
dans des habitations destinées pour l’hiver une nourriture
qu’ils ne pourvoient se procurer avec facilité
que pendant la belle saison : l’océan leur fournit , à
chaque instant, dans ses profondeurs, les asyles qu’ils
peuvent desirer contre les intempéries des saisons, et,
dans les poissons et les mollusques dont il est peuplé,
une proie aussi abondante qu’analogue à leur nature.
Cette habitude, ce besoin de se réunir en troupes
nombreuses, a dû naître particulièrement de la grande
sensibilité des femelles. Leur affection pour les petits
auxquels elles ont donné le jour, ne leur permet-pas
de les perdre de vue, tant qu’ils ont besoin de leurs
soins, de leurs secours, de leur protection. Les jeunes
cétacées ne peuvent se passer d’une association qui
leur a été et si utile et si douce : ils ne s’éloignent ni de
leur mère, ni de leur père, qui n’abandonne pas sa
compagne. Lorsqu’ils forment des unions plus particuc