
CHAP ITRE XIV.
I L E R O T A .
C e t t e île est située à l o lieues dans le Nord-Est de Guam (i) : elle
se compose d’une montagne assez élevée , et d’une petite langue de
terre qui s’étend au Sud, et se termine par un monticule de peu de
hauteur.
Une ceinture de coraux paroît la renfermer.
Rien au monde n’est pius remarquable que la configTiration des
roches qui constituent ces montagnes ; rien n’est pius extraordinaire que
leur composition.
Pour en avoir une id é e , il faudroit se représenter , ainsi que nous
l’avons déjà fait à Timor , des roches disposées par lits très-alongés ,
superposés, de forme cubique, et progressivement décroissans vers le
sommet, de manière à imiter, de loin, les gradins d’un amphithéâtre.
L ’aspect bizarre de cette île est moins étonnant encore que l’origine
et la nature des élémens qui ont concouru à sa formation. Pourra-t-on
croire qu’une terre élevée aujourd’hui de plusieurs centaines de toises
au-dessus de l’Océan, ait pu jadis être ensevelie toute entière sous ses
eauxî C ’est ce qui nous paroît à-peu-près démontré. En effet, MM. Arago ,
Bérard et m o i, nous avons pu franchir trois ou quatre de ces bancs,
et nous avons reconnu qu’ils sont exclusivement composés de madrépores
: puisque les couches supérieures ont une apparence évidemment
analogue et ne diffèrent entre elles que par leurs proportions, qui vont
en se rétrécissant de bas en haut, il faut nécessairement admettre qu’elles
ont été créées par des causes tout-à-fait semblables. Mais ces coraux
reposent-ils sur des montagnes primitives, antérieurement recouvertes
par les eaux de la mer, et sur lesquelles les polypes auroient cons-
(i) V o y e z ,p o u r la position exacte et pour la température moyenne de chacun des points
visités dans le cours de la campagne, le tableau placé à la fin de ce premier livre.
truit leurs demeures jusqu’au sommet î II ne seroit pas sans intérêt de
vérifier ce fait, pour fixer nos connoissances sur l’élévation première
des eaux de l’Océan, et pour s’assurer si, comme dans nos précédentes
relâches, les madrépores des montagnes sont, ainsi que nous le pensons,
généralement identiques avec ceux des rivages.
Chaque pan ou face verticale de ces plateaux offre les madrépores
tout-à-fait à n u , et seulement unis ou encroûtés par une sorte de ciment
calcaire qui, de même que la matière rocheuse, n’a qu’une très-
foible consistance.
II n’en est pas ainsi des surfaces horizontales, où le résidu des roches
décomposées, mêlé au détritus des grands arbres et des nombreuses
plantes herbacées qui le, couvrent, constitue maintenant une terre
végétale des plus fertiles.
C ’est dans cette terre qu’on cultive avec succès d’énormes ignames,
plusieurs variétés de patates douces, des pois , des haricots, et les autres
productions comestibles précédemment signalées à Gnam.
C e ne fut pas sans surprise, et sur-tout sans plaisir, q u e je retrouvai
ici l’aspect riant de nos vergers et de nos jardins; que j’y vis prospérer
quelques-uns des arbres fruitiers et la plupart des productions usuelles
q u ien font la richesse et l’ornement, entre autres les plantes volubiles
rangées par carrés symétriques et ramées comme on le fait en France
pour les pois , le houblon , &c.
C ’est dans la plaine qu’est situé l’établissement. Le monticule qui ia
domine vers le Sud, ressemble à un fort et porte le nom de Taypingot.
II est composé aussi de calcaire marin, et s’élève de lo o pieds au plus
au-dessus du niveau de la mer.
Les plantes spontanées de l’île Rota étant semblables à celles de
G u am , il seroit superflu de les énumérer de nouveau. Je me bornerai
donc à indiquer quelle est la végétation de l’établissement et des rivages
qui l’avoisinent.
La plaine n’excède pas un mille et demi en longueur; elle est basse,
horizontale et fort étroite. Son terrain, formé de sable madréporique et
coquillier uni à une assez grande quantité de terre végé tale, est assez
uniforme dans toute son étendue.
Voyage de l'Uranie. — Botanique. I J