
facilité Je changer de climat en quelques heures, et de rencontrer sur un
petit espace les productions de l’Europe près de celles de l’Asie , que ce
pays doit un de ses plus grands charmes , et que l’on y voit peu d’étrangers
q u i, séduits pour la première fois par l’attrait de ces délicieuses retraites ,
n’aient formé le voeu d’y passer leur v ie , sûrs de trouver ie bonheur que
donnent un doux c ie l , un travail modéré et des besoins peu nombreux.
Avec un peu d’attention et d’habitude, il est aisé de reconnoître que
les espèces végétales de cette île sont distribuées en trois régions déterminées
par la hauteur ou la nature du sol. La première, qui s’étend du
bord de la mer jusqu’à la rencontre des sables avec la vieille terre, comprend
particulièrement des plantes maritimes ; et ce qui paroîtra peu surprenant,
en ayant égard à l’influence des courans marins et des vents
réguliers, presque toutes ces plantes sont communes à d’autres rivages :
quelques-unes ont été recueillies en Amérique; ce sont le suriana americana,
le boerhaavia diffusa, &c.
Le plus grand nombre paroissent originaires de l’A s ie , telles que le
lythrum pemphis, le hruguiera gymnorhiia, le convolvuluspes capra, &c. (i).
La seconde région comprend les plaines volcanisées de l’intérieur , e t ,
jusqu’à la hauteur de 200 mètres, le flanc des montagnes tournées vers
la mer ; je propose de la désigner par le nom de zone des erythroxylons :
on y remarque sur-tout le sælanthus mappia, le rubentia, le poupartia, le
dodonaa, le polypodiun phymatodes, Xadianthum caudatum, &c.
La troisième, enfin, qui s’étend sur tout le plateau central et les
hauteurs correspondantes, est signalée par la nombreuse famille des
orchidées, et sur-tout par les fougères arborescentes ( le cyathea, le my-
riotheca, le pteris arborea, N. ) , les trichomanes, le dianella, le cordyline
mauritiana, le bursera, le monymia, les ambora, les procris, les piper, &c.
(i) Plantes maritimes observées à i’IIe-de-France : ¿'oerArzjv/a di^usUj boerhaavia à fleurs
blanches et feuilles velues, àe\XY. pandanus, un convolvulus non d é c r it, le convolvulus pes capræ,
agrostis júncea, arìstìdia, vinca rosea, pittonìa argentea, bernandìa non d é cr it, dracæna, rhi-
zophora mucronata, bruguiera gymnorhiza, pemphis, suriana americana, hibiscus tilliaceus,
malvavìscus , cassytha, ceanothus americanus , tribulus terrestrìs , physalis pubescens, lycium
afrum, sophora japónica, sonchus radicatus, perdicìum, dolìchos sinensis, portulacca axilli-
f io r a , bìramìa indica, \xne gratiole non décr ite, deux erythrina, zornia zeylanìca, tephrosia
purpurea, euphorbia draciinculus, trianthema.
Les démarcations de cette zone se trouvent tracées avec précision dans
le Voyage de M. Bory de Saint-Vincent. E n fin , peut-être, en pourroit-on
proposer une quatrième sous le nom d’éolienne. On y rangeroit tous les
végétaux à feuilles laineuses, qui ne prospèrent qu’exposés à l’action
des vents réguliers ; iis ont établi leur séjour sur les pitons décharnés ,
toujours battus de la tempête ou perdus dans les nuages. Cette petite
tribu se composeroit de lynelqnes gnaphalium, de plusieurs conysa , de
l’arua lanata, de deux domheya, dont lu n n a pas ete décrit; du sa-
laxis, de l’hypoxis juncea, d’un sideroxylon, et de plusieurs graminées.
Indépendamment de ces divisions , qui correspondent sur-tout aux
différences dans les latitudes, il seroit possible d’en tracer d’au tre s,
mais trop délicates pour que ma mémoire me les rappelle aujourdhiii;
elles montreroient certaines plantes cédant uniquement à l’influence des
méridiens, et s’étendant sur les lignes perpendiculaires à l’équateur (i).
La partie orientale de cette île nourrit des espèces qui lui sont propres
et que je n’ai jamais rencontrées sur la côte opposée; je suis sûr, par
exemple, que l’on chercheroit en vain sur cette dernière, le nymphaa
ceerulea, le bruguiera gymnorhiia, le menianthes indien, le lysimachia mauritiana,
Xerythrina carnea, et un très-beau genre de la famille des savonniers.
Un des caractères les plus frappans de la végétation tropicaire, c’est
l’extrême multiplicité des espèces ligneuses, e t , par su ite , l’absence de
forêts composées, comme celles d’Europe, d’un petit nombre d’espèces.
Dans cette île , dont la superficie n’excède pas une centaine de lieues
carrées , il n’existe pas moins de 240 arbres ou arbustes différens , c’est-
à-dire , un tiers de plus que n’en renferme l’Europe entière; aussi toutes
ces espèces croissent-elles pêle-mêle et sans aucune prédilection de
voisinage. Peut-être un jour les dévastations de l’homme modifieront-
elles cet état de choses, en réduisant progressivement le nombre des
espèces. Quelques-unes sont déjà devenues rares ; par exemple , le fxtidia
ou bois p u an t, le bursera ou colophanier, le palmiste, & c ; elles dis-
( i) C e tte remarque n’est pas n o u v e lle , comme on peut le voir par un Mémoire de
M. Ramond sur les plantes des Py rénées, et dans le discours préliminaire de la Flore
française. Néraud.