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j’abandonne le soin de réunir et de coordonner ces divers élémens, qui
les aideront à discerner les lois d’après lesquelles les végétaux connus se
sont répandus sur la surface de la terre.
La plage de Rawak est journellement recouverte par d’innombrables
productions marines. Elles croissent sur des bancs de madrépores
analogues à ceux de T im o r , formant dans la mer, comme ces derniers,
une sorte de plan horizontal recouvert de trois à six pieds d’e au , et
terminés au large par une coupe brusque qui fait baisser subitement le
fond de l o , 15 à 20 pieds et plus encore.
Indépendamment des nombreux polypiers coraliigènes et pierreux de
genres variés, on trouve, parmi les algues, le conferva moluccana; le conferva
villum, t[ui recouvre des zoophytes flexible s, et leur donne 1 aspect
tomenteux ou velouté ; le scytonema figuratiim, le vaucheria australis, les
valonia eegagropila et favulosa , \e solenia clathrata, Xanadyomene pUcata ,
ie chondria papillosa, les spharococcus intricatus et musciformis, Xamansia
glomerata, ie lonariapavonia, connu dans toutes les mers, et les sargassum
vulgare et pyriforme. Ces deux dernières plantes marines sont très-recher,
chées, comme aliment, des indigènes de cette terre.
Si à Rawak, ainsi que nous i’avons observé à l’île Pisang, les arbres
s’étendent d’une manière moins prononcée à la surface de ia mer, cette
différence tient aux localités, e t spécialement à la configuration du s o l,
qui offre des plages sur plusieurs de ses points; cependant cela n’empêche
pas les barringtonia, les calophyllum, & c ., de projeter leurs immenses rameaux
jusqu’aux extrémités du rivage.
Dans toutes les autres parties de cette île, à Manouaran, à Boni et
à Vaig iou , on voit se reproduire ce singulier phénomène, qui paroît être
général dans les Moluques et dans les îles des Papous. Aussi les petites
îles observées dans ces parages nous ont-elles paru former autant
de touffes d’arbres sortant du sein des eaux. C e n’étoit point cette
illusion d’optique qui tient ordinairement aux grandes distances dont
on se trouve séparé des terres, ou plus souvent encore à l’effet de
réfraction connu sous le nom de mirage , mais qui se dissipe à mesure
qu’on avance; ic i, au contraire, plus nous approchions, plus l’apparence
verdoyante de l’objet en vue acquérait une nuance prononcée.
La végétation des Moluques et des îles des Papous n’est pas sans,
analogie avec celle du Brésil ; elle a autant d’activité et de force ; se
presse et se marie pour ainsi dire de la même manière ; jouit enfin d’un
semblable degré de développement. Elle en diffère néanmoins sous le
rapport des élémens qui la composent : en effet, deux peintres habiles
qui représenteroient séparément la nature vierge du Brésil et des M o luques,
seroient fort surpris d’avoir formé des tableaux d’une physionomie
tout-à-fait distincte.
Une forêt des Moluques, ou une forêt des îles des Papous, se compose
d’arbres tout aussi forts, tout aussi serrés, également recouverts
de lianes diverses et de plantes parasites : mais , je le répète, ces lianes,
ces arbres et leurs parasites, appartiennent à d’autres groupes d’êtres que
ceux du Brésil ; ils offrent dans leur port, dans la forme de leurs feuilles,
et conséquemment dans tout leur ensemble, un aspect qu’on ne peut
comparer ou confondre avec celui d’aucune autre localité.
Les arbres principaux qui forment ces masses, varient selon les
lieux: ce sont, sur le rivage, des rhiipphora, des hruguiera, des eegiceras,
des barringtonia, des calophyllum ; des tabernamontana à fruits nombreux,
de la forme et de fa couleur des oranges; des galedoupa et des heritiera;
les hibiscus tiliaceus [ Caffl. ] et populneus ; des sapotiliers ; des euphorbiacées
à chatons , du genre excacaria ; le scavola lohelia, le portlandia tetran-
dra , le xylocarpus granatum , des tournefortia ( t. argentea ) , des boehmeria,
des hernandia, &c.
Sur les plaines ou savanes, croissent des pandanus, dont une espèce a des
fruits écarlate fort petits ; des freycinetia grimpans [ f radicans ) ( i ), à spa-
dices en massette ; des sterculia de deux ou plusieurs espèces ; des ximeuia
[x . midtiflora)-, le mussenda frondosa, si remarquable par sa feuille calici-
nale blanchâtre, l’une des pins singulières anomalies végétales ; le morinda
citrifolia, dont les indigènes mangent les fruits très^mûrs en partie fer-
TTientés ou v in eu x , et fort désagréables à l’odorat et au goût ; cinq ou
six figuiers de très-grandes dimensions ; de nombreuses espèces de gtiet-
tarda et de premna; des mimosa [inga) immenses, des aralia, des myris-
( i) Pl.inche 43.