
CHAPITRE IV.
C A P D E B O N N E - E S P E R A N C E ,
M e pardonnera-t-on de hasarder quelques lignes sur le Cap de
Bonne-Espérance, qui est déjà si bien connu; sur un pays aussi remarquable
par sa constitution physique et la diversité de ses productions,
que par l’importance de sa position géographique relativement à
la navigation des Indes orientales ; pays rendu célèbre par les Thun-
b e r g , les Sparmann, les Adanson , les Commerson , les L e v a illan t,
les B a r row , les Delalande, & c . , dont les noms sont attachés désormais
en traits ineffaçables à son histoire générale et particulière.
Sans doute il ne reste que peu de chose à dire sur ie Cap et ses immenses
richesses ; et je m’abstiendrois d’en parler, si je ne me rappelois
l’obligation que je me suis imposée d’écrire principalement pour les
jeunes marins. Aussi avides d’instruction que de gloire, et sans se livrer
précisément à l’étude de la botanique, iis sont cependant charmés
d’avoir quelques notions générales sur la nature des végétaux qui croissent
ie plus abondamment dans les lieux qu’ils visitent, et particulièrement
sur les plantes marines remarquables qui tapissent les côtes, et flottent
ordinairement dans leur voisinage, comme pour signaler aux navigateurs
des dangers dont fort souvent on n’a pas d’autre in d ic e , sur-tout dans
les temps orageux.
On sait que ie varec nageant [sargassum bacciferum ) vogue par bancs
énormes dans les parages des iles Açores et des iles Canaries ; que le
cystoseira trinodes annonce l’approche de la partie occidentale de la
Nouvelle-Hollande, et le cystoseira moniliformis, celle de la partie orientale
du même continent.
D e même, les eaux du Cap de Bonne-Espérance portent souvent très-
loin au large \e fucus rugosus, ie fucus tuberculatus, \e spharococcus cartila-
gineus, et sur-tout deux varecs fort remarquables par leurs grandes
dimensions ; l’un , le varec géant ( macrocystis pyrifera ), et l’autre , le
varec buccin [laminaria buccinalis), vulgairement nommé trompette de
mer : ils sont ordinairement chargés de plusieurs petits fucus rougeâtres
[delesseria), d’ulves foliacés très-minces et roses [porphyra) , du
champia si justement nommé lumhricalis, des fucus et conferva mirabilis,
&c. (i).
Quoique je me sois proposé d’examiner sommairement, dans nos
relâches, la nature des ressources alimentaires quelles fournissent, je
m’abstiendrai cependant d’en parler i c i , parce que de semblables détails
seroient mutiles. Je me contenterai d’indiquer les familles, les genres
et les espèces remarquables de végétaux que l ’on rencontre au Cap
et dans ses environs (2).
Les protéacées occupent sans contredit le premier rang. En e ffe t, dès
qu’on se dirige vers la montagne de la T a b le ou dans l’intérieur, on ne
tarde pas à trouver non-seulement de nombreux individus de cette famille,
mais bien des bois entiers formés àeprotea argéntea [leucadendron ) ,
parmi lesquels on remarque plusieurs autres espèces, telles que lesprotea
cynaroides, p. saligria, p. spatulata, Xaulaxpinifolia, &c. On y rencontre
également des fougères appartenant aux genres lomaría, gleichenia ,
cheilanthes; le todea africana, superbe espèce presque arborescente, qui
se trouve aussi dans les montagnes Bleues de la Nouvelle-Hollande;
Xhymenophyllum tunhridgense, peùXe p\diTxte dXYMXope, assez commune sur
les côtes de l’Angleterre, de la Bretagne, de la Normandie, et qui
abonde dans tout l’intérieur de la Nouvelle-Galles du Sud ; ce sont
encore de nombreuses restiacées, des thesium, des polygala, des lohetia,
beaucoup de légumineuses des genres indigofera, virgilia, aspalathus,
horbonia, hallia, & c . , et parmi les synanthérées, d’innombrables gna-
phalium et elychrysum à fleurs aussi variées par leurs dimensions que par
les couleurs qui les décorent; des eriocephalus, des stahelina, des atha-
nasia, des endoleuca, Cass.; des caléndula, des othonna, des seriphium,
des arctotis et sphænogyne, Cass. ; des senecio et de superbes espèces du
(1) V o ir ci-après l’article Algæ.
(2) C ’est dans les pays peu civilisés ou sauvages que je m’attacherai particulièrement à
signaler le nombre des substances végétales utiles qu’on peut y rencontrer.