
CHA P ITR E VIII.
I L E T I M O R .
L ’ î l e T im o r , vue de ia m e r , présente un aspect fort remarquable ;
ce sont des montagnes immenses qui s’élèvent dans les nuages, les traversent
et vont former au-dessus d’eux de nouvelles chaînes. Les îles qui l’avoi-
slnent, Ombai, Wetter, Rottie, Simao, & c . , fort rapprochées les unes des
autres , ont le même aspect et doivent avoir une même origine. Quelle est
la nature de leur sol et quelles sont les productions végétales qui les recouvrent
î C e sont les questions que je me suis soumises en approchant de
ces îles , et qui se présentèrent à ma pensée toutes les fois que nous abordâmes
une nouvelle terre. N ’ayant pu visiter que d’une manière imparfaite
quelques-uns des points isolés de leurs rivages, il seroit aussi déplace que
difficile de chercher à les résoudre d’une manière positive.
C epend ant, ia forme des montagnes , leur grande élévation , l’examen
de quelques roches, et les nombreux basaltes observés sur plusieurs endroits
rapprochés de la cô te , sont autant d’indices qui attestent que ces
îles sont d’une origine volcanique.
C e que je puis affirmer, parce que j’ai examiné ce phénomène avec la
plus grande attention, c’est que les parties voisines de ia mer, jusqu’à cent
pieds et plus d’élévation au-dessus du niveau a c tu e l, sont presque entièrement
composées de roches madreporiques. Elles offrent dune maniéré
sensible les caractères génériques et spécifiques de celles qui se reproduisent
encore aujourd’hui sur ses bords.
Ces zoolithes, qui forment ou encombrent des po rts, qui menacent de
fermer celui de l’IIe-de-France, offrent un caractère d’autant plus remarquable,
qu’il paroît être générai, et que nous le retrouverons d’une manière
plus prononcée à R aw ak , et sur-tout aux îles G u am, Rota et Tinian de
l’archipei des Mariannes. C e caractère consiste dans la disposition particulière
et constante de ces roches en couches ou lits superposés , parallèles,
à surfaces horizontales et verticales plates. Elles se prolongent ainsi souvent
jusqu’à de très-grandes distances, en suivant un même alignement. Il
en résulte des plateaux échelonnés dont les dimensions en hauteur et
largeur sont analogues ou tout-à-fait semblables entre elles , et dont les
longueurs seules varient selon les localités.
Je n’entrerai point dans le domaine de la zoologie pour signaler la prodigieuse
quantité de polypiers pierreux, coraliigènes et charnus qui composent
et recouvrent ces montagnes futures et les décorent des couleurs
les plus variées et les plus éclatantes. Ces roches encore submergées, mais
sur le point de cesser de l’ê tre , sont aussi tapissées de nombreuses thalas-
siophytes qui rivalisent avec les premières par l’élégance et la diversité des
formes (i). Parmi ces dernières, on distingue sur-tout la plupart des espèces
de la baie des Chiens-Marins et des Moluques ; ainsi qu’une conferve
floconneuse vert-jaunâtre, fort abondante dans la mer qui sépare T im o r de
la Nouvelle-Hollande.
Les plateaux qui sont abandonnés depuis long-temps par les eaux de
l’O c é a n , et sur lesquels C o u p an g , ainsi que la plupart des autres eta-
blissemens, sont situés, offrent maintenant ia plus étonnante fertilité :
en effet, dans ces lieux si dangereux pour les Européens, où ia
chaleur et l’humidité produisent en quelque sorte l’a sp h yx ie , et
déterminent des maladies presque toujours mortelles , la végétation
étale la plus grande magnificence : ce sont des tamariniers ( tamarindus
indica ) , dont les dimensions colossales l’emportent encore sur ceux
qui ont été observés à l’île Bourbon; deux espèces de figuiers mul-
tipiians [ficus indica et religiosa ) , nommés , dont on mange les
bourgeons colorés et les jeunes feuilles cuits à l ’eau, et dont l’écorce
est employée avec succès dans le traitement des maladies syphilitiques.
Leurs faisceaux radiculaires et pendans, de cinquante à soixante pieds
de longueur, partent des rameaux principaux, même des plus élevés,
vont chercher l’humidité de la te rre , et servent souvent de support à
beaucoup de lianes des genres convolvulus, thunbergia, ahrus , cucurbita ,8ic.
qui entourent et ombragent ordinairement les tombeaux des Chinois.
C e sont de plus de nombreuses myrtoïdes des genres eugenia, eucalyptus,
( J ) Les cahiers de ces plantes se sont perdus au naufrage de l ’ Uranie.