
lo V O Y A G E A U T O U R D U M O N D E .
partie du globe. Q u ’on se figu re , en effe t, ces montagnes imposantes
qui de ioin présentent à i’oeil étonné des tapis immenses de verdure ;
ces vigoureux végétaux de toutes les formes, de toutes les dimensions,
accumulés souvent en grand nombre sur un même point, et offrant
cependant, selon les site s , les distances, les expositions, une admirable
variété, dont le charme s’accroît encore par la présence des
coulequins et autres arbres à feuilles colorées , q u i, réunis par groupes
de diverses nuances, composent ie tableau le plus séduisant et le pins
majestueux.
Comment peindre le ravissement qu’on éprouve en approchant assez
de ces superbes massifs pour que l’oeil puisse en pénétrer la profondeur,
en discerner les innombrables élémens! Les fleurs les plus élégantes,
les fruits les plus beaux, y attirent à l’envi les regards. Ici les mimosa
balancent leurs longues panicules odorantes ; là de nombreuses tiges de
palmiers s’élancent avec noblesse en étalant leurs fronts toujours couverts
et de fleurs et de fruits : plus loin, des carica et des cecropia à larges
feuilles lobées ; d’immenses araucaria à fruits savoureux, q u i, malgré
leurs dimensions tropicales, semblent être cependant des transfuges des
régions du N o rd , par la ténuité et la teinte sombre de leur feuillage ;
des bananiers [musa) à fleurs nectarifères (i) et à régimes dorés, de
charmans rliexia et des melastoma à fleurs purpurines, des eugenia
) à drupes succulens (3), des morus [ ] , des achras
iitai.'(XïaiiiuCa J , Iccytllis iapicixycc Ct po/îi. |Wo ] , hymenaa
[ jatoG ] , laurus sassafras [6 a-itco ], psidium [ j uaîêtt ] , spondias [ca jx y a f offrent
leur ombrage protecteur contre l’action d’un soleil brûlant; des heliconia,
des maranta, des justicia, des polygala, des cuphea, des cassia, des
{]) Lesfîeurs de bananier renferment une liqueur onctueuse, aromatique et sucrée, fort
agréable au g o û t; on la regarde comme très-utile dans les maladies de poitrine.
(2) Dans ce chapitre et les suivans, les noms de plantes écrits en ronde sont ceux qui
leur ont été donnés par les habitans du pays.
(3) L e ^tomitic&ctMa est Yeugenia cot'mifolia. Ses drupes rouges, de la grosseur et de la forme
d’une petite ce rise, sont très-agréables au goût : on en fait des confitures, des liqueurs, et
même du vin, ^
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clitoria, des capraria, des richardsonia (i), des hesleria, des stachytarpheta,
de nombreux lantana, des turnera et des dorstenia, parmi lesquels se
trouve l’espèce médicinale à laquelle on a conservé le nom vulgaire de
contra-yerva. C e n’est que dans l’intérieur du pays , vers Minas G e ra e s ,
que se trouve i’ipécacuanha [|,i«;a]. Q u ’on joigne à ces végétaux divers
de nombreuses lianes ligneuses encore peu connues (2), qui s’entrelacent
de mille manières et grimpent jusqu’au faîte des arbres les plus élevés ;
des passiflora à fleurs variables, mais souvent azurées ; des ahrus à graines
purpurines, des bignonia et des banisteria à grappes dorées, et une foule
de plantes flexibles qui appartiennent aux genres ïonvohulus, plumhago ,
daJechampia, mendoiea, cynanchum, &c. ; despothos, des piper, des usnea,
des loranthus et autres parasites; enfin, des orchidées des genres stellis,
epideiidrum , Umodorum , jonopsis , cymbidium, anguloa, 8 c c ., et l’on aura
une idée des ornemens et de la diversité du coloris dont la nature s’est
plue à embellir ces rians paysages.
Après M. le prince Maximilien de Neuwied (3) , MM. Auguste
de Saint-Hilaire (4) , Langsdorff, Spix et Martius, R a d d i, l ’infortuné
Delalande et plusieurs autres savans naturalistes qui depuis peu d’années
ont exploré le Brésil, rapporté ou décrit les richesses de tous les
règnes cachées naguère dans le sein de ses antiques forêts, que pour-
rois-je dire de plus de ce superbe pays et de sa prodigieuse fécondité ,
sinon que les végétaux le recouvrent depuis le sommet des montagnes
jusqu’aux extrémités des rivages baignés par l’Océan, limites que dépassent
même quelquefois une foule de plantes ligneuses vulgairement
nommées palétuviers ; plantes amphibies, douées sans doute d’une organisation
particulière, qui appartiennent probablement, sur ces rivages
comme sur ceux des Indes orientales, aux genres conocarpus, regyceras,
(1) Rich, scabra. C e tte plante est abondante à R io de Janeiro. E lle produit des racines semblables
à celles de l’ipécacuanha et qui ont les mêmes propriétés. C ’est l’ ipécacuanha des pauvres :
on l’emploie en poudre, à la dose de 30 à 40 grains.
(2) Elles ne tarderont point à l’ ê tre , grâce aux soins de M. Auguste de S a in t-H ila ire , qui
s’occupe de leur étude avec persévérance.
(3) V o y a g e au Brésil, & c .
(4 ) Flora Brasiliæ meridionaUs ; Plantes usuelles des Brésiliens ; Plantes les plus remarquables
du Brésil et du Paraguay.
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