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34 V O Y A G E A U T O U R DU M O N D E ,
qui , se jouant des vains efforts que nous faisons pour la pénétrer, nous
cèle mille de ses secrets pour un seul que nous lai dérobons, et contraint
notre intelligence à s’humilier devant e lle , au moment même où un
reproche injuste alloit s’échapper de notre bouche.
Il seroit difficile de peindre les sensations qu’un botaniste , jeune encore
dans l’étude de cette science, éprouve à la vue d’êtres presque tous
nouveaux pour lu i, si extraordinaires sous le rapport de l’aspect, des
formes, et sur-tout sous celui de l’appareil de la fructification.
11 retrouve pourtant sur cette terre justement nommée bizarre , quelques
plantes congénères de celles du Bré sil, du Cap de Bonne-Espérance, de
l’Ile-de-France et de l’île Bourbon ; mais il a peine à les reconnoître.
En effe t, dans nos précédentes relâches, les mimosa, dont les formes
gigantesques nous frappoient d’étonnement, sur-tout au Brésil, ou ils font
partie des plus grands arbres des forêts, et charment par l’élégance de
leurs rameaux, par celle de leurs feuilles diversement composées, et par
leurs panicules parées des plus riches couleurs, les mimosa ne sont plus
ici que des végétaux ianguissans , fanés et presque morts, dont le feuillage
avorté se réduit au simple pétiole desséché, qui souvent n offre plus
lui-même que la figure d’une lame linéaire, d’un simple f i le t , ou même
d’une épine. T e ls sont les mimosa [acacia) dodonxifolia, juniperina,
verticillata ; des jacksonia , des labichea , &c.
La composition du sol de la presqu’île Péron a déjà fait pressentir
la direction horizontale que doivent avoir les racines des végétaux qui
le recouvrent. Effectivement, celles de la plupart des plantes de ce
lieu , loin d’être pivotantes ou de se ramifier profondément dans la
terre, s’étendent à sa surface quelles ne font qu’effleurer, et se mêlent
en quelque sorte avec les branches.
Ces plantes éprouvent ic i, par la sécheresse des couches inférieures
du so l, le même effet que produit l’eau salée sur celles de quelques
îles des Papous. A R aw ak , par exemple, l’eau de la mer filtre sans cesse
entre les montagnes, d’une plage à l’autre ; elle repousse du sein de la
terre les racines de tous les végétaux, même celles des arbres les plus
vigoureux, et les oblige à venir chercher à sa surface 1 humidité bienfaisante
des pluies , des rosées, et jusqu’aux vapeurs hygrométriques de l’air.
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La grande sécheresse habituelle de la terre d’E n d ra ch t, les brises
violentes et souvent glacées du Sud-Ouest, qui la battent presque journellement
, et les variations considérables de température qui existent entre
les jours et les nuits, déterminent cette végétation singulière, et donnent
à cette partie du monde un caractère d’originalité et de misère, qui
étonne et affecte même péniblement l’homme le moins observateur, surtout
s’il se rappelle les malheureux indigènes qui errent quelquefois dans
ces déserts !
Un simple coup d’oeil jeté sur la végétation de ce pays, suffira pour
démontrer, sinon la stérilité, du moins la grande pauvreté dont nous
venons d’expliquer les causes , et pour prouver en outre les nombreux
rapports qui existent entre les végétaux de cette région occidentale de la
Nouvelle-Hollande, avec ceux de la partie la plus orientale de ce continent
, la Nouvelle-Galles du Sud.
Parmi les nombreuses tbalassiophytes qui se trouvent à la rade de
Dampier, on remarque particulièrement le cystoseira trinodis et ïencælium
bullosum, q u i, l’un et l’autre, se retrouvent aussi au Port-Jackson ; l e w -
gassum Peronii, une variété du sargassum vulgare, le sargassum uviferum,
le yonaria furcellàta , de nombreux , hutchinsia et chondria, le spharococcus
revolutus, Xulva clathrata, entre lesquels croît le singulier végétai
long-temps confondu avec les algues, et que, par une savante analogie,
M. de Labillardière a désigné et décrit sous le nom de ruppia antartica
[caulinia antartica, R. Brown. P ro d .) , auquel en effet j’ai trouvé quatre
étamines biloculaires connées et supportées par un petit pédicule (i).
A l’exception de deux lichens très-petits , des genres lecidea et physicia,
les cryptogames terrestres manquent totalement sur le point visité. Il
paroît en être de même des cypéracées et des orchidées, dont je n’ai pas
trouvé un seul individu ; mais les graminées s’y montrent avec la plus
grande profusion, et l’on remarque parmi elles, le stipa elegantissima, le
spinifex longifolius, qui est très-abondant sur le rivage, et plusieurs espèces
nouvelles, telles que X aristida arenaria, le stipa crinita, ainsi nommé
à cause de sa grande ressemblance avec Xagrostis crinita du même continent,
le danthonia cxspitosa, ie pappophorum coerulescens et le poa [eragrostis )
( i) V o y e z planche 4 o , fig. 2.