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paroîtront d’autant plus v i t e , qu’à i’exception du bois noir , étranger lui-
même dans ce pays, aucun arbre n’y repousse de souche. Un autre
phénomène très-digne aussi d’attention, c’est la variation de formes et
de couleurs qu’éprouvent les feuilles de quelques plantes indigènes, dans
ie cours de leur développement : celles à\\ fagara heterophylla sont assez
connues : les jeunes feuilles des quivisia et du huddleia diversifoha commencent
par être lobées ; à mesure qu’elles vieillissent, leurs sinus se
remplissent : dans le ludia, d’épineuses elles deviennent inermes ; celles
du sælanthus mappia, du manuhea angustifoUa, de la forme linéaire passent
à l’ovale; beaucoup de rubiacées , et nommément les fernelia et les
psatura, ont leurs premiers feuillages tout panachés de jau n e , de blanc
et de pourpre; ces nuances disparoissent avec l’âge. Enfin, j’ai découvert
un croton arborescent dont les jeunes feuilles sont mouchetées de taches
couleur de sang, comme les écailles d’une truite.
Quant à l’époque de la floraison, elle arrive généralement pendant
les mois de septembre, octobre et novembre. On peut cependant affirmer
que la plupart des plantes naturelles à cette île sont presque toujours
en fleurs et en fruits; elles ne connoissent guère de repos que durant
les mois d’avril et de m a i, saison où quelques-unes se dépouillent de
leurs feuilles; exemple, ïurtica frutescens, Xochna, le terminalia mauritiana
et plusieurs légumineuses : ce q u i, soit dit en passant, démontre que ce
phénomène n’est dû qu’à des causes internes ; car ici la température ne varie
que de quelques degrés et ne tombe jamais au-dessous de i 8°Réaumur. Le
mimosa lehbec, dont j’ai déjà parlé , présente dans la même année deux
floraisons alternativement stériles et fécondes ; la première s’opère aux
mois de juillet et d’a o û t, la seconde pendant ceux de janvier et de février.
Quelquefois ce moment est avancé par les ouragans, q u i, dépouillant en
quelques heures les arbres de leurs feuilles, les forcent de recommencer
une nouvelle révolution florale : mais fidèle à ses plans, que cette violence
contrarie , la nature frappe d’infécondité tous ces germes éclos
avant terme.
S II. Cinq années de recherches dirigées sur tous les points de cette
île, m’ont procuré 700 espèces phanérogames, constituant 25(3 genres,
et 130 cryptogames, comprenant les champignons, les hypoxylons, les
lichens et les algues : 5 5 genres lui appartiennent exclusivement, tels
que tristiche ; calypsogyne, N. ; darea, myriotheca ; gersinia , N . , genre voisin
d\x dendrobium ; cordyline, dianella, vetiveria ; calisto ,ÎA.-, hiramia, premna,
antirhea, 0 diro sia, anasser , roussea , salaxis , nuxia , fernelia, dana'is,
myonimia , psathura ; meretricia , N .; egeria, N. ; landia, gastonia , molinæa,
cossignia; cailidrimes, N. ; doranxyhim, statmannia , haronga, quivisia, hugo-
nia , senacia , tristemma , psyloxylon , ludia , erythrospermum , hiakwesia ,
grangeria, quoya, ^77/A'rw (frangulées), marignia, poupartia, bursera, securinega,
ktrganelia, ambora, moniniia, procris ; clasophyllum macaranga ;
carolinia, N .; un genre innommé.
Le reste lui est commun avec l’Inde , l’A frique et l’Amérique ; une
demi-douzaine paroissent y avoir été fortuitement importées d’Europe ,
et s’y sont plus ou moins bien naturalisées.
Cinq dicotylédones seulement y méritent le nom de parasites ( loranthus,
gluthago, roussea, cordyline et viscum) , aucune des orchidées qui
promènent leurs racines sur i’écorce des arbres n’en tirant de nourriture.
Je vais jeter un coup d’oeil rapide sur chaque famille en particulier.
F o u g èr e s : 8 i espèces de vingt genres , partagés en trois sections :
— Section I. Ophioglossum , osmunda , acrostichum , diplasium , polypodium ,
cyathea, asplénium, hemionitis, lonchitis, darea, pteris, miriotheca, trichomanes,
hynienophyllum, adiantum, schiiyea. — S e c tlo n ll. Adarsilea, salvinia,
lemna. — Section III. Cycas (i). — ^ Deux ou trois espèces d asplénium
fournissent les caractères d’un nouveau genre , par le rapprochement de
leurs signes fructifères. Cette confusion ne s’opère quelquefois qu’au
sommet de la fronde, qui paroît alors prolifère. Toutes les espèces
d'acrostichum offrent deux sortes de frondes, les unes fertiles, les autres
stériles. Dans plusieurs genres, tels que ie diplafium, le darea, Xadiantiim
caudatum, on observe des buibiles prolifères à l’extrémité du rhachis ou
à l’aisselle des pinnules. Grand nombre de ces fougères , et nommément
le pteris vittoria et le polypodium phymatodes , renferment un arôme très-
suave, mais qui ne se développe que par la dessiccation des frondes.
(i) C e tte dernière plante forme le type d’une famille. Mais comme ce catalogue représente
l’herbier de M. N é ra u d , je pense qu’on ne doit rien changer à l’ordre dans lequel il
est établi.
Voyage de l’ Uranie. — Botanique. A