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la reddition du général Alcazar et de ses braves troupes q u i,
faute de munitions et de v ivre s, abandonnèrent le fort de Los
Angeles. Le sort s'étant ainsi jjronoucé en faveur de l ’oppresseur,
nous fûmes forcés de nous soumettre à la loi impérieuse
de la nécessité; e t, ju g ean t que ce serait une audace téméraire
d’engager un combat avec un ennemi supérieur eu nombre et
euliardi par ses victoires , nous nous retirâmes dans le port de
T a lcah u an o , comptant sans le moindre doute s u r la protection
du gouvernement supérieur. Mais, ô Dieu! quels furent notre étonnement
et notre épouvante , quand nous apprîmes avec quelle
froide indifférence on voyait notre position et l ’existence de
quatre à cinq mille individus' décidés à suivre le sort des armes
de la patrie. Les paroles manquent |iour rappeler un fait si
criminel.
« Les craintes anticipées que fesait naître celui qui doit être
le Washington d u C liill, voilà ce qui obligeait le Ch e f suprême
â sacrifier toutes ces victimes à sa folle défiance. En perdant
l’espérance d’être secourus , nous résolûmes, jioussés par ia
faim, qui déjà se faisait sentir, de triompher ou dc mourir. Heureusement
nous remportâmes la victoire dans l’action dn 27 ;
jo u r mémorable et sans égal dans les annales du C h ili, jou r
qui éternisera notre mémoire et notre respectueuse reconnaissance
envers le général et les autres chefs auxquels nous devons
notre existence.
« Et comment le gouvernement supérieur parait-il associé à un
acte si criminel? Il fit semblant de s’intéresser aux assiégés, et,
à cet e ffe t, il fit pa rtir le maréchal Prieto avec quelques troupes,
assurant le public qu’elles étaient suffisantes pour battre
l’ennemi ; mais il lui donua en même temps l ’ordre de ne point
passer le Maule, ni de risquer aucune action, quand même elle
pourrait être a vantageuse, et de rétrograder en cas que l’ennemi
vint à l’attaquer. Ce n ’est point là une vile conjecture , mais
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bien un fait autlienticjue, certifié par des témoins o cu la ire s ,
auxfjuels ce digne conqaatriote montra ses instructions, afin de
les convaincre des motifs qu’il avait de ne point passer le
Maule pour aller au secours de ses frères infortunés.
« Nous triomphâmes enfin malgré les machinations ministérielles
; et notre général résolut d’arrêter un plan de recours.
Le projet souffrit de grandes difficultés; la patience du solliciteur
fut tellement lassée cpi’il demanda son éloignement du
service. On ue voulut point y con sen tir , et on lui promit sur
de grandes assurances un fonds mensuel de dix mille piastres
pour subvenir aux besoins de la province. Cette promesse n’a
jamais été réalisée et elle n’a eu d’autre issue qi.ie celle de nous
réduire à l’état de mendiant. De-lâ , la famine générale que
nous avons éprouvée, en nous mettant dans la nécessité de dépouiller
le paysan de ses bestiaux de la b o u r , ou en le forçant â
les aliéner lui-même dans la crainte de les perdre ; de-là le
mécontentement des projiriétaires, dont on mettait sens dessus
dessous la maison et la fe rm e , le privant ainsi de tout oe qui
lu i était nécessaire pour la culture de ses biens ; de-là enfin des
emprunts v iolents , enlevés à la force des baïonnettes; mal qui
a toujours lieu lorsque le sujet n’a pas de confiance et de foi
en l ’honneur de son gouvernement, et qu’il est convaincu que
le discrédit et la fourberie ont pris sa place.
« Il s’ensuivit une famine générale q u i, dans un district seulement
, enleva sept cents jiersonnes dans l ’espace de trois mois.
Les garnisons de Tucapel et d’Arauco se virent obligées de manger
les mules de transport, les chevaux d’un service indispensable
pour aller à la découverte de l’ennemi, les chiens, les rats
et tout ce qui pouvait satisfaire leurs extrêmes besoins. Une si
triste situation fut représentée mille fois eu termes plaintifs ;
mais le gouvernement sourd à ces maux de l ’h um anité , non-
seulement n’y portait point remède, mais encore autorisait dans