ont depuis long-temps abandonné; et l ’ile n’est plus habitée
aujourd’hui (]ue par des oiseaux de mer, des chèvres, des chiens
et des cochons sauvages. Elle a servi plus d’uue lois de refuge
aux équipages des bâtiments en détresse ; e t, malgré la stérilité
de son terrain et l'h o r reu r des monts dénudés qui la constituent,
plus d’un navigateur a trouv é sur ses tristes rivages 1 espérance
et la vie.
En mars 1826, M. G o u rb e y re , capitaine de fr ég a te , en se rendant
du Brésil en France sur la corvette du ro i la Moselle, q u il
commandait, passa devant cette île; e t, poussé par un sentiment
de philantropie, digne d’étre cité en exemple, il en fit le
tour, et eut le bonheur de sauver un marin ang la is, délaissé
depuis v ing t jours sur ces bords affreux.
■< A la vue de la T r in id a d , » dit M. Gourbeyre dans le Journal
inédit de sa campagne qu’il a bien voulu nous communiquer,
« le souvenir des infortunés à qui elle servit d a sile me fit
« naître la pensée que des naufragés pouvaient s y trou v er en-
(c core; e t , frappé de cette id é e, je fis gouverner de manière â
<1 la contourner d’assez près , pour distinguer facilement les
« objets sur la côte. Tous les r e g a rd s , toutes les lunettes, étaient
« dirigés sur le r iv ag e ■. chacun portait à cette investigation
.< un zèle qui n’avait pas besoin d’étre excité. I l s agissait de
« sauver des malheureux! T outefois , jusqu’au soir rien ne m a -
« vait annoncé un naufrage récent ni la présence de quelques
.< hommes dans l ’île , et je venais d’ordonner de mettre le cap â
cc l’O u e s t, lorsque au milieu de l ’é vo lu tion , à l ’instant où j allais
cc ra’éloigner, je découvris à terre un fe u , que les accidents du
cc terrain m ’avaient sans doute caché ju sq u alors. Je n entre-
cc prendrai pas de peindre la joie qui éclata dans ce m om en t,
IC et dans l ’équipage e t parmi les officiers. To us demandaient a
cc se précipiter dans les emb a rca tion s, tous voulaient etre des
cc premiers à porter du secours aux naufragés. Il fallut arrêter
cet élan g éné reu x, pour éviter les inconvénients de la précipitation.
Je fis tire r un coup de canon et arborer nos c o u le u r s ,
pour annoncer aux infortunés, qui réclamaient de 1 assistance,
qu’ils avaient été vus. Je me rapprochai en même temps de
: l ’ile , et le grand can o t, pourvu de vivres, fu t aussitôt mis a
c la mer, et expédié sous les ordres de M. Lap e y re re , mon pre-
c mier lieu tenan t, qui avait sollicité cette mission comme une
■ corvée d’honneur. Je restai en panne , pour attendre le retour
c de cette emb a rcation, en conservant un fanal au grand mât
I comme signal de ralliement. M. L a p e y rè re , rev en u à b o rd ,
c me rapporta qu’il y avait sur la côte de l ’Ouest un marin
c an g la is , qu’il n ’avait point ram e n é , parce que la mer, brisant
c avec v io len c e , ne lu i avait pas permis d’aborder; et que le
I naufragé lui-méme l ’avait engagé à ne pas le tenter dans cette
:c circonstance, en le suppliant de venir le prendre le lende-
cc main dans la journée. M. Lape yrè re , d’après mes instructions,
cc lu i avait déclaré qu’il était sous la protection du roi de France,
(C lui avait ju ré sur l ’honneur que je ne 1 abandonnerais point,
IC et lu i avait recommandé d’entretenir son feu toute la nuit. De
cc mon cô té , je demeurai en travers ju sq u ’au jou r, à trois milles
cc sous le vent de file .
cc Le lendemain, dans la matinée, après avoir repris la posi-
cc tion de la v e ille , j ’envoyai deux embarcations montées par
cc l ’élite de féq u ip a g e , pourvues de grappins, de lign e s , d’une
IC bouée de sauvetage et d’un petit radeau fait à la h â t e , pour
cc établir une communication avec la te r r e , si les canots ne
cc pouvaient pas aborder. M. L a p e y rè re , auquel j ’adjoignis
cc M. Jurien La fe rr iè re , fut encore chargé de d iriger ces secours,
cc Arr ivé au point où devait se faire l ’emb a rquement, cet office
cier reconnut bientôt que f opération présentait des difficultés
cc presque in surmontab les, et surtout de grands risques : la mer
cc était affreuse; des lames énormes déferlaient sur les rochers
Octobre
1822.