Aucune de ces causes de regrets n'est à redouter avec des
üfiiciers de santé attachés à un grand corps militaire, participant
à tous les avantages de cette p o s ition , astreints à tous ses
devoirs, et réunissant à l’exercice spécial des p réiiarations d histoire
naturelle les idées variées et élevées qu’une éducation
littéraire et philosophique, en même teiiqis que médicale, n a
pu manquer de leur donner. Un médecin quel <|u’il soit est
toujours un homme é c lairé ; et s’il n’égale point un vrai naturaliste
dans sa science spéeiale, toujours sera-t-il uilinimciit supérieur
à un préparateur de laboratoire. Un médecin militaire
saura, mieux qu’un préparateur et q u ’un n atura liste, s accommoder
à toutes les exigences de la vie de m er ; accoutumé a
servir pour l ’honneur de s e rv ir , il saura faire abnégation de
■son amour-prop re, et n’emploiera p o in t, pour se réserver la
propriété exclusive de ses observations, tous ces |)C,tits subterfuges
qui n ’aboutissent le plus souvent q u ’à faire détruire ,
dans quelque recoin d’un domicile p a r ticu lie r , les objets les
jilus ¡irécieux rassemblés à grands fr a is , et souvent même des
mémoires ¡ileiiis d’intérêt, d o n t, une fois l ’auteur m o r t, ses
ignorants héritiers ne connaissent pas le mérite. T o u t sera
rem is, au r e to u r , dans son dépôt scientifique, comme on re met
dans le dépôt nautique les cartes et les papiers relatils à ia
navigation. Enfin, si c’est pendant son voyage même qu’il lui arrive
malheur, les officiers chargés du commandement se trouvent
aussi les dépositaires naturels de scs collections et de ses papiers,
et n ’en laissent rien perdre, ni ¡lour la science, ni pour
sa famille.
On peut donc dire q u e , de toutes les manières de laire
servir les expéditions maritimes aux progrès de l’h istoire natur
e lle , celle qui est employée aujourd’hui est celle qui réunit le
plus cfavantages ; ce qui n’empêche ¡¡as que l ’on ne puisse lui
être encore plus u tile , par des séjours prolongés sur certains
points du globe ; mais chacun sait que ce genre d’entrc|)rise
n ’est pas celui qui peut se lier à des expéditions maritimes,
auxquelles il est im])Ossible de laisser long-temps en aucun lieu
les hommes q u elle s transportent.
Pour revenir à l’objet de ce ra jtp o r t, nous devons donc déc
la rer que les hommes estimables attachés comme zoologistes
à l ’expédition de M. Du])errey, n’ont été rebutés jiar aucune
fatigue ; chasseurs et pê ch eurs, non moins que prép ara teur s,
ils ont recueilli autant d’objets que l ’on pouvait en attendre
du nombre et de la durée des relâches qu’ils ont faites. Lo in de
se vo ir contrariés par les marins, comme il n ’est que trop
souvent arrivé à d’autres, ils les ont eus tous pour auxiliaires;
indépendamment de M. d’U r v ille , ils ont été secondés surtout
par M. Bérard. T o ut ce q u ’ils ont recueilli a été con s e rv é , malgré
les obstacles qu’opposent à ce genre d’o p é ra tion , la chaleur
des climats q u ’ils ont visités , et le ¡¡eu de secours qu’on y
trouve de 1a part des indigènes. Ils ont fidèlement et sans
réserve dé¡¡osé , â leur r e to u r , leurs co llec tion s , dans un établissement
consacré à 1a science prise dans son acception la
plus é le v é e , établissement où tous les naturalistes peuvent les
étudier en concurrence avec eu x, bien que certainement au cu n '
homme digne de ce nom n’aura assez peu de délicatesse pour
en rien ¡¡ublier avant eux ou sans leur agrément. A ces objets matériels
, ils ont jo in t des notes détaillées sur les lieux et les tem¡¡s
où ils les ont re cu e illis , sur les noms q u ’on leur donne daus
les idiomes des divers ¡¡euples, sur les usages q u ’on en fait. Ils
ont consigné dans leurs jou rnau x beaucoup d’observations sur
les habitudes des animaux; enfin, avec un talent que Péron lui-
méme n’avait trouvé que dans les artistes de profession q u ’on
lui avait adjo in ts , ils en ont fait des figures soignées et coloriées
d’a¡¡rés la nature vivante ou immédiatement après la mort.
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