Les Martin-Vaz sont des rochers élevés, d’une nudité repoussante;
ils gisent au nombre de tro is , à peu de distance l’un
de l ’a u tre , dans une direction Nord et Sud. Le plus grand est
trés-rapproché de celui du Nord; mais entre le premier et le
ro ch e r m é r id io na l, il y a un canal de deux milles de largeur.
L ’ile de la Tr inidad est une terre haute, que l ’on peut apercevoir
par un temps clair à seize ou dix-huit lieues de distance;
elle est en général rocailleuse et stérile ■. quelques arbres toutefois
couronnent les h au teur s, et principalement la partie méridionale.
La mer brise partout avec force sur le r iv a g e , qui est
couver t de roches. On y remarque des mornes, sur le sommet
desquels s’élèvent plusieurs arbres à tig e élancée •. l’u n , appelé
le Monument, se trouve sur la côte occidentale; l’autre, le P a in
de sucre, est à fe x trém ité S.E. de l ’ile. H y a n eu f lieues de distance
entre les Martin-Vaz et la Trinidad.
Ces ile s, situées sur le même parallèle dans f espace de mer
compris entre l ’Afriqrie et l ’Am é r iq u e , se trouv an t sur la route
des navires destinés, soit pour la partie méridionale de ce dern
ie r continent, soit pour les Indes orientales, o n t, depuis les
jiremières explorations, toujours servi de point de reconnais-
Leiir position géographique ayant été d éte rm in é e , dans le
principe, avec les méthodes inexactes des anciens temps , on vit
b ientôt paraître à cent lieues plus à l ’Ouest une autre ile, q u i,
sous le nom d’A s cen sâ o , dont Alexo da M o tta , pilote p o r tu g a is ,
attribue la découverte à Joâo da Nova ', a , pendant trois siècles,
‘ Les premiers historiens de la conquête des Indes par les Portugais, Jérosme
Osorio et Lopez de Ca stagneda, qui écrivaient en iô 8 o ; Barros, en 1 6 2 8 , et
Diego do C o u to , en 1 7 8 1 , s’accordent à dire que Joào da Nova découvrit, en i 5o r ,
à 8° Sud de la lig n e , une île qu’il nomma Conceiçào. Alexo da M o tta , dans son
Routier de la navigation des Indes orientales, 1 6 5 9 , dit que l’île de l’As-
eensâo, par 2 0 ° Sud, fut découverte par Joâo da Nova en 1 0 0 1 . L ’identité dn nom
été l’objet des recherches des explorateurs, et q u i, figurant
encore aujourd’hui sur quelques cartes, a fa illi, il y a peu d’ann
é es , devenir funeste au capitaine Devaux, qui, comptant sur
son existence, et la regardant comme un dernier re fu g e , se
dirigea vers elle avec un navire incendié jiar le v it r io l'. I.es
routes sans nombre que les navigateurs modernes ont tracées,
sans rien découvrir dans cette partie de l ’Océan Atlan tique,
devraient cependant convaincre d’une manière bien évidente
que la Tr inidad et l’A scensào ne sont qu’une seule et même île.
Octobi'i-
1822.
fki découvreur et de la date semble faire croire que le pilote portugais s’est trompe
en plaçant dans les parages de la Trinidad l’île découverte par Joâo da Nova. Cette
île est évidemment celle de l’Ascension que l’on trouve par 7° 55 de latitude S u d ,
à deux cent vingt lieues dans le N .O . de Sainte-Hélène, quoique Ovington, qui
visita celle-ci en 16 9 3 , attribue sa découverte à Tristan da Cunba en i 5o 8 .
» C ’est une doctrine généralement admise par les hydrographes de ne point effacer
des cartes les îles vues par les anciens navigateurs, quoiqu’elles n’aient point
été i-etrouvées, par la raison qu’elles éveillent l’attention des marins qui parcourent
les parages où elles sont figurées. Cependant peu s’en est fallu que l’hypothèse de
l’existence de l’Ascensâo ne produisît le malheur que ce système semble devoir prévenir.
En 18 1 7 , M .D e v a u x , capitaine du brick marchand la Jeune-Sophie, destiné
pour l’île de Bourbon, vit se manifester à son bord un incendie causé par deux
caisses d’huile de vitriol embarquées à son insu. Après avoir atteint l’île de la T r inidad,
persuadé que le feu n’avait fait que peu de prog rès, dans l’espérance de
sauver la cargaison, il continua sa roule vers R io -J a iie iro , en se dirigeant sur
l’Ascensâo comme point de sauvetagcàtoutévènement. Il était d é jaà quatorze lieues
sous le vent de la Trinidad, lorsque, par un bonheur inouï, l’inspection des chevilles
des haubans, devenues presque rouges, lui fit juger q ù il y avait beaucoup de risques à
aller plus lo in , et il remit de suite le cap sur cette île , où il arrivajuste à temps pour
je te r son navire brûlé à la cô te , et sauver ainsil’équipage et les passagers du danger
imminent dont ils étaient menacés. Si le désir de se rapprocher des terres duBrésil l’eût
porté h poursuivre sa route jusqu’à l’Ascensao, il eût infailliblement péri. Cet exemple
prouve combien il importe , non pas de supprimer des cartes les des douteuses, mais
du moins de les signaler de manière que l’on ne puisse compter sur leur existence
dans un pressant danger.