Un ciel clair-semé cle nuages légers , une faible b rise, une
mer presque u n ie , enfin un tenqis magnifique et bien rare tlans
ces parages en général o ra g eu x, nous permirent de déterminer
la position du cap Saint-Jeau; nos observations le placent par
54“ 4 y’ tu” Sud et 66° 7 ’ 3o” Ouest.
En nous éloignant de la Terre-de.s-Etats, nous dirigeâmes
notre course au S. O., favorisés par des vents de la partie
cle l'Est, qui nous donnaient l'espérance de fran chir l'extrémité
méridionale de l’Américjue, sans avoir à lu tte r contre la violence
des tempêtes de l’O u e s t, dont bien des navigateurs qui
les ont essuyées ont d é c r it, peut-être avec trop d e lu x e , les te rribles
effets. Quant à n o u s , poussés sans cesse par des brises
maniables, nous coupâmes le méridien du cap Horn dans la nuit
du 3 i décembre, par Sy” 40’ de la titud e , e l l e 6 janv ie r iSaS
nous nous trouvâmes en position de courir au Nord vers la côte
du Chili, où nous avions l ’intention de relâcher.
C ’est ainsi cjne nous parvînmes à opérer sans obstacle ce
passage tant redouté des anciens m a r in s , que la relation du
voyage de l ’amiral Anson avait rendu par trop effrayant ; mais
que Dampier, Co ok et La Pe y ro u se , dont la célébrité s’est étendue
sur toutes les mers du g lo b e , se sont bien gardés de représenter
sous des couleurs aussi défavorables. Quiconque aura été
habitué de bonne heure aux dangers de la navigation, reconnaîtra,
sans doute , que ie passage du cap Horn n ’offre que les
contrariétés ordinaires â toutes les hautes latitudes , et qüe ses
tempêtes ne sont pas plus redoutables que celles qui éclatent
souvent dans la mauvaise saison au voisinage de tous les grands
caps. S ’il faut en croire l’expérience de certains capitaines, le
passage du cap Horn s’effectue même avec plus de facilité durant
les mois d’h iver, juin, ju ille t et août, que dans toute autre
saison de l’année. Les plus forts vents régnent généralement dans
les mois de février, mars et a v r il, et c’est à cette épotpie que
les navigateurs qui ont donné les d escriptions les plus effrayantes
de ces jiarages ont éju’ouvé le plus de mauvais temps. Nous
avons été nous-mêmes témoins d’une temjiête violente dans le
mois de février 1820 sur la corvette l'üranie; et vers la fin de
décembre et au commencement de janv ier, au con tra ire, époque
de notre traversée sur la corvette/a Coquille, nous n’avons
en que des vents modérés : la temjiérature s’est toujours maintenue
entre 3 et 4° au-dessus de zéro ; il est vrai (jue la neige et
la grêle couvraient quelquefois le jiont du n av ire , mais elles
disparaissaient jrresque aussitôt; seulement une brume épaisse
ne cessait de voiler le ciel.
La santé de l’équipage ne sc trouva nullement affectée jiar
cette navigation pénible sons un climat humide; et, sans un
accident fâcheux qui survint à un m a te lo t, le passage du caji
Horn n’aurait pas un instant troublé la gaieté qui régnait jiarmi
nous.
Nous étions encore dans les hautes réglons australes, lorsque
le vent repr it à l ’Ouest avec une telle force que la m er devint
tout-à-coujj très-grosse. Comme l ’aspect du ciel était aussi me-
natjaut, nous crûmes devoir prendre les précautions nécessaires
p ou r naviguer la nuit avec jilus de sécurité, et ce fut en ferlant
la grande voile que le nommé A u g ic r tomba sur le jiont : il vint
frajijier contre la drome, et le sang jaillit aussitôt avec alion-
dance de ses oreilles. Toutefois sa clmte n’eut aucune suite
fâcheuse, car six jou rs ajirès il était tout-à-fait rétabli.
Au milieu de sa courte m aladie , cet homme encore sous
l ’impression jmissante du danger imminent qu’il avait couru ,
ne jiut concevoir qu’il en fût sorti sain et sauf sans une cause
extraordinaire, et il se figura qu’il devait la v ie , dans cette c ir constance,
à l ’assistance miraculÆse d’une Sainte, sous la jiro-
tection de laquelle il avait été jilacé en naissant. Daus la jier-
suasion intime q u ’il l’avait vue apjiaraitre au moment de sa
É