tous les officiers cle l ’expédition, et il nous montr.'t avec émotion
le bâtiment encore e xis tan t, où cette réunion solennelle
avait eu lieu. Mais ce respectable vieillard qui avait conservé
présente à son esprit l’expression de grandeur et de bouté
naturelle aux traits de L a Pérouse, était dans une complète
ignorance sur la suite de son voyage, e t sur le triste destin du
navigateur q u ’il se figurait vivant encore heureux, au sein de sa
famille, au milieu de la France tranquille et rendue et ses Rois ;
des larmes vinrent mouiller scs yeux lorsqu’il apprit tout-à-coup
que l ’expédition, jioursuivic par le m alh eur , avait fait naufrage
sur une terre ignorée ‘ , et que La Pérouse et ses compagnons
n ’avaient plus revu la patrie inconsolable de leur perte.
De même qu’à Santa-Catharina nous avions été témoins de la
déclaration de l ’indépendance du Brésil, nous assistâmes ici à
la révolution qui amena la chute du directeur suprême Don
Rernardo O ’H iggins. F.n ajiprenant 1a réunion des troupes qui
devaient marcher contre l u i , nous craignîmes que les préparatifs
de cette expédition ne nous missent dans l’impossibilité de
remplacer les trois mois de vivres dont nous avions besoin pour
suivre le plan de campagne que nous nous étions tracé. Nous
nous empressâmes d’envoyer MM. Bérard et Gabert à la ville
de la Concepcion, auprès du g éné ralRam on Frcire y Serrano,
gouverneur des provinces méridionales dn C h ili, sous l’influence
duquel se préparait le soulèvement contre O’Higgins,
pour lui faire connaître l’objet de notre mission et le but de notre
relâche. Le général leur fît un accueil fla tte u r , et il les entretint
avec une franchise toute militaire de l ’état malheureux
dans lequel se trouvait la juridiction placée sous son comman-
‘ Depuis lors, le voyage du capitaine Dillon et celui de M. d’Urville ont fait connaître
à TEurope le véritable lieu du naufrage de L a Pérouse. L ’ÎIc Vanikoro, dans
l’archipel de .Santa-Cruz, a été le théâtre de ce désastre.
deinent, et des circonstances fâcheuses c[ui le forçaient â se déclarer,
dans l ’intérêt de la liberté et du bonheur du Chili, contre
son ancien compagnon d’a rmes, le directeur suprême. Dans le
cours de la conversation, lorsqu’on lu i fit part de nos craintes
sur le ravitaillement de la corv e tte, (¡ne nous pensions devoir
être contrarié par l’approvisionnement de ses troupes, il d it,
en souriant, que les Français ne devaient jamais douter d’obtenir,
des nations indépendantes de l ’Am é r iq u e , la réception la
plus am ica le , la plus hospitalière, et que malgré la difficulté des
circonstances présentes, il chercherait à nous p ro u v e r , Itii particulièrement,
combien il s’estimerait heureux de pouvoir être
utile à notre expédition. Et plû t à D ieu , ajouta-t-il, que votre
gouvernement voulût traiter avec nous ! il trouverait ici un peuple
dévoué et un pays utile à son commerce.
Le général ne les quitta point sans avoir donné des ordres
pour que les autorités locales facilitassent de tout leur [touvoir
nos opérations diverses et notre ravitaillement. Il les adressa
lui-même à M. Clark e , négociant ang lais, le seul qui fût en
état, dans toute sa juridiction, de se ch arg er de nos traites; mais
celui-ci ne voulut opérer que l'avance des fonds nécessaires,
pressé qu’il était de partir pour Santiago où l ’appelaient des affaires
im|)ortantes. Il devait s’y rendre par terre à cheval. C’est la
manière la jtlus expéditive de voyager dans le Chili, oit il n ’existe
pas de moyens de transport réguliers ; et il avait acheté [tour
faire ce voyage six chevaux, qui ne lui coûtaient en tout que la
somme modique de trente piastres. Le peu d’instants que ces
messieurs passèrent auprès de M. C la rk c , de la politesse duquel
ils n’eurent qu’à se louer, leur démontra que ce négociant, au
milieu des affaires de son com m e rc e , servait d’agent politique
au général Ereire, et q u e , dans la révoltilion qui menaçait le
gouvernement, il jou ait un rôle [tins a c tif q u ’il ne voulait le
laisser siqtposer. Il avait une presse jtortative, la seule qu’il y eût