seraient tentés de l ’imiter. Heureusement que tous les Chapitones
n’ont pas son grand courage; » et il se tut. Cette réflexion du cavalier
eliilieii semblait prouver que les cruautés de Benavidez
l ’avaient moins fraïqié que soit extrême bravoure. Enfin nous
entrâmes daus la ville. Cliatpie pas nous oflrait des jardins entourés
de décombres, des maisons dévastées, quelques malheureux
errant nu-pieds, et une soldatesque insolente peuplant
une cité veuve de la majorité de ses liabltants. Dans une grande
partie des rues de la Concepcion, brûlée tour-à-tour p ar les partis
v ictorieux, on voyait l’herbe sauvage croître et fleurir; et même
sur le parvis sacré oii autrefois la foule se pressait pour répéter
les louanges du Seigneur, b rilla ien t, entourées cle débris, des
fleurs solitaires. En arrivant sur la grande p la c e , les édifices
que nous y aperçûmes présentaient la même désolation. D ’un
côté la cathédrale et le palais de l ’évécpie étaient encore
d eb o u t, mais sans toits, et les pans de leurs murs en partie
renversés; de l ’autre le gouvernement et ses dépendances, et
sur le troisième les casernes avec une galerie se montraient
dans un meilleur état; enfin sur le (juatrièmeon voyait des maisons
un peu délabrées. Une troupe de cavaliers armés cle longues
javelines caracolaient au milieu de cette p la c e , cpie traversaient
lentement cle pauvres Chiliennes, la tête chargée de paniers de
fruits, et des hommes sur la figure desquels régnait l’expression
du m alh eur ; daus un coin , un groiqie d’enfants, le front rayonnant
cle jo ie , ignorants des maux cle leur pays, se livraient sans
inquiétude aux plaisirs turbulents du jeune âge. Leu r bonheur
nous fit oublier un instant tout ce cju’avait de triste l’aspect cle
ce heu.
Le général Freire nous accueillit avec une urbanité vraiment
française. Sa conduite à notre éga rd, pendant le peu de jours
c(ue nous jiassâmes auprès dc lui, ne démentit pas un instant le
caractère de loyauté et cle modestie cfu’il s’est acquis parmi
ses compatriotes et q u i, jo in t à sa valeur personnelle, lui a valu i'"?
l ’attachement de tous les Chiliens, cjui l ’ont porté dejmis au
gouvernement suprême. Il conversa avec nous des causes qui
l’avaient porté â se déclarer contre O’H iggins , que l ’on soupçonnait
alors de vouloir usurper les droits de la nation.
Cependant le général Freire ne s’é tait décidé à prendre les
armes qu’après avoir forcé à la paix les Araucaniens sans cesse
prêts à envahir le territoire de la Concejjcion. Pour garantie du
traité qu’il venait de conclure avec ces peu|)lades sauvages, il
avait obtenu une troupe auxiliaire qui devait suivre son armée
à Santiago et plusieurs otages de distinction.
Il avait auprès de lu i, en cette dernière qu a lité , la fille d'un
cacique âgée d’environ neuf ans. Sans être jo lie , cette jeune
fille avait une physionomie p révenante; sa démarche était noble
et ses manières vives. Elle avait le teint bru nâtre , les yeu x petits
et noirs, le nez un peu épaté, les lèvres épaisses. Elle était
revêtue d’une robe de laine bleue qui entourait sa taille et descendait
juscju’au-dessous des genoux. Une pièce d’étoffe blanche
couvrait en partie sa poitrine et son dos, en passant sous l’aisselle
droite, et les deux bouts venaient se joindre au-dessus et
sur le devant cle l’épaule gauche au moyeu d’une longue
épingle d’argent. Ses cheveux tressés de manière à former deux
longues queues étaient garnis de grains de diverses couleurs et
se dessinaient en bande autour des tempes et du front, sur
lequel étaient attachées les extrémités en forme cle noeuds. Elle
[lortait cle grandes plaques d’argent en guise de pendants d’o reilles;
elle en avait une suspendue au cou comme signe de distinction.
Ses bras et ses jambes étaient ornés de larges bracelets
de grains de v erre oii d’autre matière diversement colorés; un
collier semblable décorait pareillement son cou; scs pieds étaient
renfermés chins des sandales de cuir.
Du [lalais du go u v e rn eu r , nous eûmes l’occasion de voir clé