Août
1822.
taisant reten tir de leurs chants tum u ltu e u x , que la brise de
terre, à la faveur du calme de la n u it, apportait ju sq u ’à nous
il travers la baie silencieuse.
Les démarches réitérées de notre agent consulaire auprès du
gouverneur, auquel il présenta le sauf-conduit que nous avions
de la cour d’E sp a gn e , furen t assez puissantes pour que le conseil
sanitaire réduisît la quarantaine à huit jo u r s ; mais il y eut
impossibilité d’obtenir une exemption to ta le; et comme les
opérations futures de la campagne, eu égard à la saison,
nous imposaient le devoir de ne pas consacrer trop de temps
à T én é r iffe , nous nous décidâmes à ne point profiter d e là
réduction dont on avait cru pouvoir nous favoriser. En nous
soumettant volontairement â ce sacrifice, il nous resta cependant
un r e g r e t, ce fut de nous éloigner sans avoir pu jouir
quelques instants de la société de plusieurs personnes estimables
auxquelles nous étions recommandés : M. Co logan,
dont la maison est le rendez-vous de ce qu’il y a de plus distingué
dans f i l e ; don Domingo Mesa, directeur du p o r t, l’un
des collaborateurs du célèbre Malaspina; don Domin go Savi-
ü on ; M. de la G u a rd ia, et notre compatriote M. Reyssié, qui,
voyageant pour les sciences, se trou v ait alors à Santa-Cruz.
Nous nous bornâmes, dans cette r e lâ ch e , au temps nécessaire
pour nous ra vita iller en eau et en vivres fr a is , indispensables
â la santé de l ’équipage : grâces à l ’active obligeance de
M. Schwa rtz , agent consulaire par in té r im , qui ne négligea
rien pour subvenir â nos besoins avec toute la promptitude
possible, nous fûmes bientôt prêts â reprendre la mer.
N otre court séjour en rade fu t employé â faire des observations
astronomiques et magnétiques. La sérénité du ciel qui
régnait alors nous permit de [¡rendre cent q u a tre -v in g t-s ix
distances lu naires , destinées à vérifier la longitude du bout du
môle de S an ta -C ru z . Nous trouvâmes p o u r l ’inclinaison de
fa igu ille aimantée, observée à b o rd , 6’,2, et p ou r la déclinaison
21° o’ N. O.
Il est à remarquer que la pureté du ciel qui favorisa nos
observations n ’allait pas au-delà de l ’extrémité septentrionale
des te r re s , oû se développait une brume épaisse, dans laquelle
nous avions été [¡longés ju sq u ’aux approches de file. Cette
brume ne pénétrait pas dans l ’a rchipe l; et, vue du m ouillag e,
elle formait une panne ou bande noire horizontale et stationnaire,
qui s’étendait sans in terruption de la pointe de la Mancha jusqu’à
l ’île Cañ ar le , et présentait ainsi un contraste singulier avec
tonte la partie méridionale des île s , oû le ciel était d’une sérénité
éclatante. La nuit seulement, quelques nuages se détachaient
de la panne, plongeaient dans les vallées, qu’ils p arcouraient
en laissant échapper d’assez fortes ra fa le s, à la suite
desquelles ils s’évanouissaient comme une fumée qui va se
perdre dans les airs.
L ’île de T én é r iffe , cette patrie des G u anch e s, vaste et dernier
tombeau d’un peuple qui n ’est p lu s , aussi intéressant países
vertus sociales que par sa chute h é ro ïq ue , dont les premiers
souvenirs historiques seml¡lent être le produit de l ’imagination,
a exercé la plume d’un trop grand nombre de savants illustres
et de naviga teurs distiu gu és , pour que nous osions ajouter
quelque chose à la description q u ’ils en ont donnée, nous qui
n’avons fait cpie je te r un coup d ’oeil sur une partie de scs côtes,
oû tout porte l’empreinte de bouleversements vo lcaniques, et
dont l ’aspect parait contredire le nom de Fortunées dont les
anciens se [¡lurent à décorer les îles Canaries.
Août
1822.