Fcvriol
1823.
des Cliiliennes, dans leur enjouement et la variété de leurs
danses pi([uantes tout ce qu’il nous fallait pour passer une
soirée des plus agréables. Les dames mêmes ue dédaignèrent
point d’exécuter devant nous les danses nationales connues
sous les noms Acqitando, de pericon, de zapatem , qui ne sont
plus admises aujoiird’linl que dans les petites réunions on
règne l’intimité. Deux personnes s’avancaient au son d un e
guitare, dont s’accompagnait en chantant assise sur ime
estrade, une feiiniie âgée qui ne ressemblait pas mal a ces Bolie-
iniennes si bien dépeintes dans les Nouvelles dc Cervantes. Llles
tournaient d’abord lentement face à face, avec autant dc cere-
moine qu’on en observait autrefois dans notre menuet; puis,
suivant la mesure graduellement précipitée de la musique,
elles redoublaient de vitesse, en battant des pieds avec une inconcevable
rapidité. L ’adresse des danseurs consiste dans les
battements rapides de leurs pas en ayant les pieds le moins possible
écartés l’un de l ’autre, au fur et à mesure qu’ils s’approchent
ou se fuient. On dirait que c'est la représentation d u n e
‘ Les couplets avaient tous un tour plaisant et burlesque qui aurait pu faire suspecter
la délicatesse du goût des personnes devant qui on les chantait. On peut en
juger d’ailleurs par ceux que nous transcrivons ici.
A n d a , in g r a ta , que algún d ia ,
C on las mudanzas del tiempo,
L lo r a r a s como yo l lo r o ,
S entirás como y o siento.
Q u a n d o , q u an d o .
Q u an d o , mi v id a ,
Q u and o sera ese dia
D e aquella feliz mañana
Que nos llev en á los dos
E l ch o co la te á la cama.
Q u a n d o , q u an d o .
Quando y o me m u e re ,
No me llo ren los p a r ien te s ,
L lo r e n me los a lemb iqu e s ,
D o n d e sacan aguardientes.
A la plata me remito,
Lo demas es b o b er ia
A n d a r con la b o c a seca
E la b a r ig a vacia.
D o s enamorados tengo.
Am b o s me vienen á v e r ;
E l uno me o fre c e p ia la ,
E l o tro q u ere r me bien ;
A la plata me r em ito ,
L o demas es b o b er ia
T en e r la b a r ig a llena
Y la l)olsa vacia.
bouderie d’amoureux, qui après bien des façons finissent par
se rajiproclier et s’entendre. Cc bal nous offrit aussi plus d une
observation piquante. Les officiers chiliens étaient très-empressés
auprès des dames q u ’ils devaient (juitter le lendemain,
et nous entendîmes échanger ainsi des paroles d’aniour et de
tendres adieux. L ’un des officiers de la Coquille qui par la nature
de ses fonctions .avait été souvent appelé dans plusieurs
maisons, où quelques services rendus avec une bienveillance naturelle
à son caractère, l’avaient fait admettre dans une certaine
intimité, n’avait pu résister au tendre penchant qui l’entraînait
vers une jeune personne aussi sage que b e lle , aussi naïve q u ’attrayante
: en walsant avec e lle, son ardente admiration pour ses
charmes fut bientôt remarquée, et un sourire malin v int e rrer sur
la figure des d am e s , dont les colloques devinrent très-animés.
La walse finie, un jeune lieutenant d’infanterie se montra tout-
;i-cou[i aux genoux de la belle Chilienne, et au feu de ses
rega rds, au mouvement rapide de ses lè v re s, il fu t facile de
ju g e r que le démon de la jalousie dévorait son coeur; ses re-
jiroches ne furent pas sans amertume, car le visage de la beauté
se couvr it aussitôt du voile de la tristesse, et de ses yeux b r illants
s’échappèrent des larmes que virent couler avec peine
ceux q u i, comme nous, furent témoins de cette scène pleine
d’intérêt. /
L ’embarquement des troupes s’opéra le 4 février au point du
jo u r , et nos embarcations lu ren t, dans cette circonstance,
mises à la disposition du capitaine du p or t afin de l’accélérer,
i.e commandant de l’escadrille chilienne était descendu à terre
pour jiresser le départ des canots : c’était le même officier que
le colonel Beauchef avait forcé de sc liv re r au parti du général
Freire. l.e ca|>itainc du port aspirait au commandeineiit de la
corvette ïIndependencia. Sur le plus simple prétexte de service
I! se prit de querelle avec lu i, et d’un coup de sab re , q u ’il avait
Voyage de la Coquille, — P a r t , u ist. 2y