eu soin cle faire aiguiser la veille, il lui fit une large blessure
à la tête et fêteiKlit par terre couvert de sang. Cet acte d une
brutalité révoltante à l ’égard d’un compatriote peut montrer le
caractère qui distingue certains officiers anglais au service du
Chili. Des hommes qui mus par l ’intérêt abandonnent leur
p a y s , n’ayant (jiie leur épée pour courir après la fo r tu n e , sont
trop souvent portés à vo ir le bon droit dans la lorce et a abjurer
ainsi ces [principes de l’honneur militaire qui les avaient
fait estimer dans leu r patrie et qu’ils ne devraient jamais oublier.
Cette affaire nous prouva aussi combien la justice était
mal rendue dans le gouvernement chilien. Cet officier qui
avait commis en jilein jo u r un vér itable assassinat, puisque son
adversaire n ’avait pour se défendre qu’un petit poignard d uniforme,
q u ’il n ’avait pas même tiré du fourreau, garda seulement
les arrêts ju sq u ’au départ de la flo ttille, et nous le vîmes
durant le reste de notre relâche se jiromener librement dans
Ta lcahuano , ofi il n’avait pas cessé un instant de conserver sa
charge de capitaine du port.
Te général Freire arriva dans la matinée, et il voulut bien
retarder c| uelques instants son départ pour visiter la Coquille,
où il accepta le modeste dcqeuner que nous nous empressâmes
de lui offrir. Le colonel Beauchef et son épouse, dont les grâces
égalaient le v i f ’attachement qui la portait â suivre son mari a
travers les périls inséparables des temps révolutionna ires, se
rendirent aussi â notre invitation ainsi que les officiers siqié-
rieurs qui accompagnaient le général. Ils ne nous quittèrent
(jue jjour se rendre sur XIndependencia, au moment où cette
corvette laissait tomber ses voiles. Une salve de sejtt covqts dc
canon amion(;a l ’instant où le général mit le pied à b ord; toute
la flottille appareilla aussitôt, et la foule sur le rivage se mit i(
jiousser des cris d’espérance et d’allégresse. Alors tout jtarais-
sait animé dans cette vaste baie de la Concepcion, par le mouv
eulent et le b ruit qui régna it sur ia jilage et sur les eaux, â la t
suite d’un embarquement précipité de troupes, que les familles
accompagnaient de leu r dernier adieu. Et un instant ajirès
le départ de cette escadre, les embarcations, les jiirogues disjia-
ruren t avec rapidité de la scène, la plage de Ta lcahuano resta
tout-;i-coup solitaire, et le silence le jilus profond v int remplacer
ce tumu lte , ce brouhaha de la matinée (|ui nous avait offert
tant de distraction. En restant ainsi isolés nous n ’en resseu-
times que plus profondément tout ce qu’il y a de funeste dans
les inukitudes armées qui comme une nuée de sauterelles encombrent
d’abord le pays où elles passent et ne laissent ajirès
elles que l’h orreur du désert.
Sur ces entrefaites, l’équipage de la Coquille était réuni autour
(l’une table dressée entre le grand mât et le mât de misa in e , et
célébrait par un rejias extraordinaire le jo u r où la corvette
avait coupé la ligne. Les offrandes de ceux qui avaient voulu
éviter d’être plongés dans l ’eau lustrale furent suffisantes pour
subvenir aux frais du festin. Dans ce banquet où jirésidait La
joie vive et b ru y an te , les premières fatigues furent oubliées,
l’avenir de notre navigation se présenta aux yeux de tous sous
un aspect plus r ia n t, et un jeune m ate lo t, le T y r té e de cette
assemblée, ayant imjirovisé sur le mode marin un chant jilein
(le verve dans lequel il jirédisait le re to u r dans la jia tr ie, oii
aux regards de leurs maîtresses, ils se verraient l ’objet des fé licitations
glorieuses de tous leurs amis, l’élan fut tellement
général (pie leurs voix retentissantes allèrent rév eiller les tristes
échos du village de Talcahuano.
Nous jirofitàmcs de l ’inaction dans laquelle le départ dn g é néral
Freire avait replongé les habitants de la Concejicion pour
accélérer le ravitaillement de la corvette. La plus grande partie
des maisons de Talcalnumo concourait à la confection du biscuit
dont nous avions besoin. Les environs de Penco nous of