Août
182?.
arrêta quelques heures devant ce rocher fo rmid ab le , q u i, avec
Malte et C o r fou , offre à la marine d'Angleterre des moyens
puissants de défense dans la Méditerranée, et lu i assure, pour
ainsi dire, le despotisme de cette mer.
Au soleil cou ch an t, nous entrâmes dans le détroit â l'aide-
d’une brise favorable. I.a nuit amena un temps b rumeux, un
vent frais. Le ciel était noir, la mer |,hospliorescente. La ville
de T a rifa se montrait à travers l ’obseurité par ses maisons rpii
étaient éclairées ; et le phare du même n om , dont le feu tournant
jetait par intervalles un v if éclat sur le sombre horizon qui
nous envelop pait, ne servit pas peu à assurer la route de la
Coquille, dont la rapidité opéra bientôt le débouquement.
Mais la brise qui nous avait fait franchir le détroit pendant
la nuit, nous laissa de bonne heure en calme devant les côtes
de VEurope et de f A fr iq u e , dont nous distinguions à peine les
principaux caps. Un voile épais de brume qui s’étendait sur
ces te r re s , en les dérobant peu â peu à nos regards, semblait
nous avertir que c’était fin s tan t d’une longue séparation, et
que l’Europe ne devait plus de long-temps être fo b je t de nos
pensées, qui devaient être fixées désormais sur les travaux que
nous avions p romis d’exécuter, autant dans l ’mtéret des sciences,
que par amour pour la marine, de cette arme que nous avons
embrassée par enthousiasme, et à laquelle nous nous sommes
voué dès nos plus jeunes ans. La moindre brise ne vint .pas
même enfler nos voiles durant la journée du 2 1 ; mais le 20, un
vent favorable s’éleva , et nous poussa ju sq u ’au parallèle de 34
de latitude N o rd , ou nous trouvâmes les vents alizés du N.E.
et des courants, portant au S .S .O ., â raison de i 5 à 20 milles
par jour, qui nous conduisirent aux iles Canaries.
R E L A C H E .4 - rÉ N É E lF F E .
Nous a p e r ç û m e s Ténériffe, le 28, â la , o inic du jour. Des
nuages stationnaires sur les sommités de l’île nous dérobèrent
le pic majestueux, que l ’on voit ordinairement à une distance
considérable lorsque le ciel est parfaitement dégagé. A onze
h eures , nous laissâmes tomber f ancre devant la ville de Santa-
Cruz, à une petite distance du m ô le , par dix-buit brasses, fond
de sable noir. Nous fîmes aussitôt le salut d’u sag e , qui fut de
suite rendu par les forts.
Elevée sur la riv e orientale de T én é r iffe , la ville de Santa-
Cruz attirait n otre attention pa r sa forme o b lo n g u e , ses clochers
éle vé s, ses maisons b lanches, contrastant avec la couleur
des monts volcaniques auxquels elle est ado.ssée, enfin pa r la
vue des vagues qui jaillissaient dans l ’air, en se brisant contre
le môle et les rochers qui bordent ses murailles. Déjà le désir
de la visiter hâtait dans notre pensée l’instant de la libre communication;
chacun projetait d’avance les excursions les plus
intéressantes, et, à l ’exemple de MM. de Humboldt, L a Billar-
d iè re , de Born , Simonoff, e tc ., comptait escalader le pic de
T e ’id e , dans l ’espoir de trou v er encore à g laner quehjues épis
après les moissons abondantes de ces explorateurs célèbres.
Mais le conseil sanitaire ne tarda pas ;i changer en rêves ces
belles espérances, en nous soumettant à une quarantaine de
quinze jours. I ,’apparition de la fièvre jaune sur les côtes de la
Méditerranée, d’oû nous étions p a r tis , en était le prétexte; et
à T én é r iffe , ainsi q u ’en Europe, cette maladie avait ouver t un
vaste champ aux discussions iotcrminables pour ou contre la
contagion. L ’esprit de pa rti s’en était mêlé; et, à cette époque,
les opinions politiques étaient tellement prononcées dans la
v i lle , oû régn ait la plus grande fe rm en ta tion , que les habitants
étaient â chaque instant sur le po int d’en venir aux mains et
de s’entr’égorg er . Les lib é rau x , dout fex a lta tion était aigrie par
l ’incertitude de leur cause , bra vaient leurs adv ersaires, en
illuminant tous les soirs la place de la Co n s titu tion , et en la
Voyage de la Coquille. P a r t , bist. 9
Ao û t
1822.