l'tívrifi'
1823.
haut desquelles l’inlérieur du pays s’offre sous un point de vue
agréable. Un terrain montu eu x, découpé, paré çà et là d’uue
riche v erdu re , nous rappelait, non sans émotion, les contrées
méridionales de notre p a tr ie , avec lesquelles cette partie du
Chili présente la plus parfaite resseuiblance. Uillusion pour
nous aurait été complète, si sur la route que nous parcourions,
nous eussions rencontré une poprdation nombreuse et laborieuse.
Mais hélas! nu morne silence régna it autour de nous;
et à p a rt une ferme ovi parquaient un troupeau de boeufs et des
ch evaux , et quelques liuttes misérables, auprès desquelles nous
(lassâmes, nous vîmes se reproduire partout l ’image de la (dus
profonde solitude. Seulement, de loin en lo in , un cavalier
iso lé , dont le pancho cachait l ’extrême misè re , nous apjiarais-
sait comme le (lélerin abandonné au milieu du d és e r t, et soulevait
dans notre esprit d’amères réflexions sur les guerres
civiles, sur les brigandages ¡lolitiques.
En atteignant une hauteur un peu considérable parmi celles
que forme l’ondulation du te r ra in , nous découvrîmes le Rio
B io -B io ,d o n t la largeur, dans cette (la r tie , nous 'parut assez
étendue : des cèdres d’-uu por t superbe en garnissaient les bords,
et (lar leur forme (lyramidale, leur v er t feuillage, traçaient le
cours de la rivière qui ajiparaissait dans le lointain comme un
vaste bassin c ircula ire; cette lisière de cèdres se prolongeait de
manière que leurs sommités touffues allaient se confondre avec
les forêts d’un ver t noirâtre qui tapissent les m onta gn e s, au m ilieu
descjuclles les regards de l ’observateur voient fuir et se
perdre les eaux du Bio-Bio. En descendant, la route nous conduisit
entre deux éminences; et dès ([ue nous fûmes sortis d’un
(jassage étroit qui les sépare, nous découvrîmes la (jlaine où s’élève
la ville de la Concepcion.
Alors nous n ’avançâmes plus que le coeur ému d’horreur et
de ()itié. Les funestes effets des commotions civiles frappaient
à chaq
P A R T IE H I S T O R IQ U E , CH A P . X. i 4 i
ue instant nos regards ; les champs étaient déva stés, les
habitations ruin ées, la population rurale couverte de haillons
et (jrcsque nulle (lar le nomb re; auprès de la ville quelques
grou()es de recrues s’exercaient au maniement du fusil; et dans
le fond de ce tableau qu’éclairait un ciel magnifique, se montrait
sur une éminence un long mât att sommet duquel était exposée
la tête, â longue chevelure, d’un ch e f célèbre d an s le pays
par ses brigandages et sa férocité. Notre gu id e , impassible au
milieu de cette scène, ue se tournait vers nous que pour nous
exciter à ne pas ralentir le pas de nos chevaux. Nous lui demandâmes
le nom du criminel dont la tête figurait ainsi sur ce
(lotean. «C’est Benavidez nous ré(iondit-il, sans que le ton de
sa voix trahit la moindre émotion; c ’est le monstre dont le g é néral
Ereire a purgé le territoire de la Concepcion; et on l ’a
(ilacé là (lour servir d’exemple aux partisans des Espagnols f(ui
Füvrici'
1823.
' L e nom de Vicente Benavidez retentira éternellement dans le Chili, comme une
preuve de la fureur du parti espagnol dans la guerre de l’indépendance. Cet homme
s’est signalé par toutes les infamies et par le caractère affreux d’un buveur de sang,
d’une bête féroce. Après avoir promené l’incendie et les massacres sur toute l’étendue
de la province de la Concepcion, ce renégat de tous les partis fut enfin défait par
les troupes du général Freire , et réduit à fuir presque seul dans une pirogue. Poursuivi
par la faim et la soif, il fut forcé de prendre terre, et il fut arrêté, malgré
son déguisement, à Topacalina, le A février 1822. L e directeur suprême O’Higgins
le fit ju g er par un tribunal militaire. Condamné à mort le 21 février, la sentence
portait qu’il serait traîné au lieu du supplice dans un panier lié à la queue d’un
mulet, qu’il serait pendu, et que sa tête et ses mains seraient envoyées à Santa-
Juana, Tai-pellanca et la Concepcion, lieux qui avaient été les principaux théâtres
de ses atrocités.
Lors du jugement, il ne se défendit du crime même de piraterie, dont il fut reconnu
coupable, qu’en invoquanl le nom du roi d’E spagne, auquel disait-il, il
pourrait rendre compte de sa conduite, et en assurant qu’il lui serait facile de convaincre
de ses actes le vice-roi de Lima. Il est certain que celui-ci l’avait nommé
colonel ; et dans ses papiers l’on trouva son brevet de lieutenant-colonel délivré par
le vice-roi Pczuela.
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