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cette funeste c ireon stan e e , a fait mentir le beau caractère de
générosité (|u'elle s’étail ac(|uis parmi les nations de l’Europe
inodeiaie.
Sur 19,000 Français déposés à l’île de C a b re ra , dont la majeure
[¡artie avait ap])artenu à la division du général D u pont,
avant la caj)itulatioii de Ba ylcii, 3ooo seulement existaient enc
o r e ;ec n’étaient plus que les ombres réelles de ces corps écha|)-
pés aux horreurs de la s<hf et de la fa im, <jiii trop souvent planèrent
sur ces tristes victimes de l'ambition et de la haine, et
(|ui |)lus d'une fois |K)rtèrent ces infortunés à suivre l'exemjile
des eaimibales de f Océanie, à dévorer les restes fumants de
leurs frères. Le récit des maux q u ’ils avaient soufferts durant
leur épouvantable captivité , et dont nous recueillîmes à tei’re
des souvenirs e lfrayants, faisait dresser les cheveux à la téte
des marins, qui se pressaient autour des prisonniers et les écoutaient
en gardant un morne silence.
Deux ceuts de ces malheureux, dans une aliénation mentale
complète, cri’aieiit, à l’époque de notre a rriv é e, au milieu des
rochers, dans les endroits les plus inaccessibles, n’ayant d’autres
lieux de repos que des cavernes solitaires, où leurs camarades,
dont l’esjuit avait résisté à tant de tourments, avaient encore
l ’humanité de leur por ter la faible ration que les Espagnols
ne leur accordaient en cjuelque sorte qu’à regret. Le peu de
régularité que l ’on mettait à l ’envoi des vivres destinés ]>our
les prisonniers de Cab re ra , et l’état de nudité dans lequel on
les laissait, ne prouvent que trop l’intention abominable de les
faire périr lentement de misère.
Lorsc|ue le commandant de la goélette la Rose eut annoncé
aux prisonniers qu’il vena it, par ordre du ro i, s’informer de
leur situation, et jircndre les renseignements nécessaires pour
l’expédition des bâtiments ([ui devaient les conduire en France,
le délire du bonheur s’empara de ces infortunés, (|ui, poussant
dans les airs les cris répétés de leur reconiiaissaiice, se portèrent
sur les différents points de l ’île (¡u’ils habitaient, alluincrcnt
des leux pour célébrer l ’instant fortuné de leur lib é ra tion , e t ,
entraînés par leur joie frénétique, livrèrent même aux llanmies
les imstTables cabanes q n i, jus(|u’â cc jo u r , leur avaient servi
d’asile, comme s’ils eussent dû les cpiltter à l’instaiit même : tellement
la pensée de leur délivrance, qui de[)iiis si long-temps
u avait lui à leur espr it, les avait en quelque sorte aliénés. Les
vents contraires nous ayant retenus la nuit dans le port de Cabrera,
nous ne pûmes rester spectateurs tranquilles de cette
réjouissance extraordinaii’e, dont nous avions été les promoteurs
par notre mission, et cpie le lieu de la scène et les acteurs rendaient
si intéressante. Nous illuminâmes la goélette en suspendant
des fanaux aux bouts des vergues : nous finies des salves
d a r tille rie ; et la frégate espagnole, restée jusqu’alors impass
ib le, finit par partager cet élan de jo ie , en nous imitant. Nous
a|)pareillâmes le lendemain, e t, le 16 mai 1814, les prisonniers
de Cabrera furent embarqués et conduits à Marseille.
Pendant que ces tristes souvenirs oeciqiaieut notre jieiisée,
la corvette la Coquille, |)oiirsuivaiit sa ro u te , traversa les parages
d u n banc que plusieurs cartes placent â quarante milles environ
au Nord du cap Forincntcau, situé à la partie septentrionale
de 1 île Majorque. Nous cbcrchâmcs â le rccomiaitre en
sondant diverses fo is , dans l ’après-iiiidi dn i3 aoi'it 1822, et
1 inutilité de nos tentatives nous porte â croire que la position
de ce b an c, s’il existe, est an moins très-mal déterminée.
Nous coiitiuuâmes notre navigation le long des cêites de Catalogne
et de V alence, en nous tenant assez an la rge, pour
éviter les calmes ordinaires dans cette saison. Nous passâmes
entre l ’üe d’Iviza et le cap S aû it-Ma rllii, et le 20, au soir,
nous arrivâmes devant la pres(|ii’lle de Gibraltar, l.c calme nous’