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lequel, à I'iustigation de plusieurs réfugiés e spagnols, avait, à la
tête de diverses tribus, attaqué le peujile de Va ld iv ia , et rendu
])lus d'uue fois incertaine la sûreté de cette place. Il nous cita
plus d'un exem|)le dc l ’excès dc leur passion pour la vengeance;
et malgré la fermeté de son caractère, à laquelle il dut dc contenir
ses indisciplinés auxiliaires dans les bornes dc sou autorité,
il eut souvent à souffrir de leur froide barbarie et plus d’une
lois de son impuissance à arrêter le massacre des prisonniers.
Après avoir battu les Pitoquins en diverses rencontres, il leur
lit faire des projiositions de j>aix qu’ils acceptèrent. Le cacique
Millau se rendit eu personne dans son camp, suivi de plusieurs
vieillards et Indiens influents, avec la promesse expresse que sa
vie et celle cle ses compagnons seraient respectées. Les Arauca-
iiiens auxiliaires, entre lesquels et ceux de Millau existait une
inimitié mortelle, tâchèrent par tons les moyens possibles de
mettre obstacle à un acconmiodement; ils allèrent juscju’à solliciter
du colonel Beauchef la permission de massacrer Millau
e l sa suite. Comme ils ne purent l’ob tenir , ils lui demandèrent
avec instance de souffrir au moins cpéils immolassent un seul
des Indiens de Millan aux mânes d’un de leurs amis que ce chef
avait assassiné en l ’attirant auprès de lu i sous jirétexte d’une
néijociation. Malgré un nouveau refus jiositif et la menace
d’une prompte vengeance s’ils attentaient à la vie de cjuelquun
des compagnons cle Millau, un des vieillards fut inopinément
massacré clans la nuit. Le colonel Beauchef fit laire la i-e-
ehcrehe la plus sévère pour découvrir l ’assassin; mais cc fut
inutilement; il eut même la douleur d’entendre tout le camp
applaudir hautement à cet acte de férocité.
Le traité fut néanmoins con c lu , et le colonel Beauchef put
ainsi retourner à Valdivia. Quoitjue les Araucaniens répriment
le meurtre dans leur propre tr ib u , ils eonsiclèrcnt cependant
celui cpii commet les outrages les |ilus barbares envers un ennemi
comme digne du respect et des a|)plaudisseraents de ses
compatriotes. Un Indien ne doit revenir d'une expédition que
la lance teinte de sang. Aussi les premiers prisonniers sont-
ils assurés dc mourir percés du fer cle tous les guerriers
ennemis.
Il n’existe à |iroprement parler parmi ces peuples aucune
espèce cle gouvernement. On peut cependant considérer leui-
société comme composée de quatre ordres : les caciques, les
prêtres, les capitaines et le pcujde. Ils vivent ensemble clans la
plus parfaite égalité, maintenant chacun la jouissance de leurs
coutumes. Les prêtres toutefois ont une grande influence,
parce qu’à certaines époques, ils exercent les fonctions de prophètes,
et cjue tous ajoutent une foi entière â leurs prédictions.
Ce sont eux aussi qui chantent les exploits des guerriers et conservent
dans la tribu le souvenir de leur gloire et de leurs
noms. Ce sont encore eux cjui sont chargés cl’éloigner les maladies
et cle remjilir auprès des individus cjui en sont atteints
l ’office de médecin.
Les tribus sont gouvernées par un ch e f de leur choix. Fréquemment
en guerre les unes contre les au tre s , lorscju’il s'agit
cle défendre leur indépendance menacée ou cle se prémunir
contre quelcjuc danger extraordinaire, elles se réunissent sous
un ch e f commun, espèce de généralissime imposé par la gravité
des circonstances, dont l’autorité cesse avec les causes qui l'avaient
rendue nécessaire. Alors même il n’est pas cle loi qui
puisse les forcer â se liguer ainsi : le service de chacjue tribu
est volontaire et ne dure cjn’autant que la volonté du cacicjue et
de ses guerriers ne change pas.
Comme chez tous les sauvages, pour obtenir la dignité de
cacique, il faut faire preuve d’un zèle ardent pour la tr ib u ,
d’une bra voure inclomjrtable, d’une supériorité de sagesse dans
le conseil et cle capacité à la gu e r re ; il faut surtout se montrer
Voyage dc la Coquille. — Part. hist. 2D