passa au N. O. avec des rafales si pesantes qu’il nous força de
laisser tomber l ’ancre au milieu de la baie en attendant qu’il
devint plus favorable.
Le lendemain le temi^s ne changea point il empira au contra
ire, et, dans la matinée, il tomba abondamment de la grêle.
La crainte de ne pouvoir tenir dans la baie nous porta a descendre
à terre [lOur reconnaitre l'anse C h abo t, afin d y conduire
la co rv e tte, mais nous fûmes assez heureux pour ne pas
la voir chasser sur ses ancres. Toutefois cette course ue fut point
in u tile ; car nous rapportâmes une ample provision de gibier que
nous fîmes distribuer â l'équipage: c’était le produit de la chasse
de notre maître eanonnier R o la n d , le même qui, chasseur aussi
intrépide qu’adro it, avait rendu à une autre époque, sur cette
ile, de si éminents services à l ’équipage^iaufragé de la corvette
rUranie.
De retour à bord de bonne h eu re , le v en t et le temps ne
varièrent point ; et forcés de rester inactifs, le reste de la jou r née
se passa tristement; car les côtes qui nous environnaient
ne iirésentant que des rochers et quelques b ru y è re s , ch é tif ornement
d e c e s rives éminemment stériles, ne pouvaient inspirer
que la mélancolie. Notre unique distraction fut de suivre des
reo-ards les taureaux et les chevaux, qui superbes et libres errent
en troupes nombreuses dans les vallons et sur les hauteurs
de ce pa ys, au milieu de vastes pâturages, seule parure
et seul bien que la nature n’ait pas refusés à cette terre australe.
Les oiseaux de mer qui peuplent les rivag es nous offrirent aussi
quelques diversions : tantôt nous voyions la mouette criarde
aux ailes élancées s’élever et poursuivre le fretin, le viser en
planant, p long er comme un trait dans la mer et en sortir [.lus
brillante sa proie dans le bec. Parfois le manchot si siiigulie-
reuient décrit p<ir tous les v o y a g e u r s , nous apparaissait luyant
d’une nage rapide, puis se promenant â la surlace des eaux, il dis-
PA RT I E HI S TO R IQU E , CHAP. VI.
paraissait tout-à-coup par intervalles, cliercliant ainsi sa nourri- ?
ture. Souvent enfin divers pétrels, des cormorans, des labcs
traversant la baie çâ et là venaient contourner le navire dout ils
aimaient à toucher le gréement de l’extrémité de leurs a ile s , et
<|uelquefois s’abattaient sur le bout des v ergues, où ils restaient
posés quelques instants coiiinie s’ils eussent voulu n arguer les g a biers
qui les guettaient armés de gaules. Un hibou même, sortant
le soir du creux de son ro ch e r , ose se conlier a la nuit,
et s’égarant dans l ’om b r e , il s’éloigne du riv ag e et vient se
percher fatigué sur la proue de la co rv e tte; le battement
lourd de ses ailes annonce sa présence, ses yeux brillants a travers
les vajieursnocturnes trahissent sa position, et toiit-a-cou|)
celui ([ui chercha it une victime le devient lui-méme : il fut tué
et empaillé; ainsi le hasard se joue des êtres, q u il la it tomber
au gré de ses caprices.
Cependant le 20, quoique le tenqis fût encore ch a rg é , une
légère brise du nord nous permit d’appareiller; mais a l instant
même oii l’ancre venait d’étre d érap ée, de fortes ra fa le s, accompagnées
de p lu ie s , nous assaillirent de nouveau. Nous continuâmes
toutefois à mettre sous voiles, déterminés a abandonner
cette relâche, dans le cas où il nous serait impossible d atteindre
un meilleur mouillage que celui que nous venions de quitter.
Néanmoins, avec le secours de la marée, nous parvînmes enfin
à nous élever assez au vent pour donner dans le canal étroit de
l ’ile aux Pingoins , et à six heures et demie du matin nous
mouillâmes par cinq brasses tond de vase, devant les ruines de
l'ancien établissement de Saint-Louis. Il était temps ; car à jieine
étions-nous réfugiés dans cette rad e , que lè v e n t repr it an S. O. :
il devint si tempétueux, que durant i>lus de vingt-quatre heures
toute communicadon avec la terre nous fut interdite.
Pendant la journée du 2 1 , le temps s emb ellit, c l plusieurs
NovlMIlllTC
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