faut se garder d'envoyer des canots sur la terre ferme sans qu’ils
soient bien armés : deruièremeiit plusieurs baleiniers y ont
perdu les équipages de leurs canots massacrés par les Arancainens.
Nous restâmes en panne toute la n u it, et le 20, dans la matinée,
nous forçâmes de voiles pour rallier la terre. Nous fûmes
bientôt en vue des côtes de la Concepcion, qui sont partout élevées
et en général saines. Les deux montagnes qui signalent
l ’emboucliure de la rivière Bio-Blo, et dont la forme singulière
leur a valu la dénomination de mamelles, nous apparurent
d’abord avec toute la ressemblance de leur nom, et nous reconnûmes
ensuite le petit port Saiut-Vincent et la presqu’île de
Talcahuano qui forme la partie occidentale de la haie de la
Concepcion. Mais alors le vent du Sud, qui nous avait poussés
jusque-là avec ra|)idité, tomba tout-à-coup, et nous restâmes eu
calme au milieu d’une multitude d'oiseaux pélagiens. La mer
dont les ondulations devinrent à peine sensibles, se montra parsemée
de taches jaunâtres, sanguinolentes, de méduses, d’anatifes
et de nombreux paquets de fucus [ fu cu s antarcticus, de
Chamisso, et durvillæa utilis, Bo ry ). Quelques baleines, dout la
couleur noire du corps contrastait avec la partie inférieure de la
queue et du sommet de l ’énorme bosse q u ’elles ont sur le dos, la
sillonnaient tranquillement, entourées de troupes de marsouins
d’un gris-de-fer éclatant. L ’îlo t de Quebra-Ollas était occupé par
des légions de [ihoqiies q u i, soulevés sur leurs nageoires et la
tète re le v é e , semblaient humer l’air du matin réchauffé par le
soleil, dont les (U’emiers rayons doraient en ce moment les crêtes
des rochers i[ui leur servaient de refuge.
Ce ne fut (ju’à une heure de l’après-midi que nous pûmes
doubler l ’ile Quiriquina, dout nous contournâmes de très-|irès
la pointe Nord en soudant sur douze brasses fond de roches.
De là notre vue embrassait toute fétendue de la baie de la Concepcion,
où régnait le calme le plus parfait. La corvette immobile
nous laissa subitement exposés à toute l’ardeur du soleil,
que ne vint pas même rafraîchir la plus légère brise. Nous
eûmes beaucoup à souffrir de cette température élevée, et nos
corps la supportaient d’autant plus difficilement que nous sortions
à peine des hautes et froides latitudes. Le thermomètre
qui, la veille, était au large à 12 et i 3°, monta toiit-à-coup à 22°
à l’ombre , et à 45 au soleil ; et, quinze jours aup a ra van t, nous
naviguions encore dans les mers du cap Horn exposés aux r igueurs
d’un climat tout opposé. 11 fa llut néanmoins braver fa c tion
de cette chaleur étouffante pour avancer vers le mouillage,
qui est au fond de la partie méridionale de la baie. Les embarcations
furent mises à la mer, et la corvette conduite à la remorque
; mais cette opération fatigante ne nous fit franchir que
la moitié de la distance que nous avions à pa rcourir ; nous allions
enfin élonger des ancres à je t pour nous touer, quand,
à cinq heures du soir, une brise du S. O. s’éleva e t, après plusieurs
bordées, nous porta devant le village de T a lcah u ano , oû
nous laissâmes tomber l’ancre par quatre brasses fond de vase.
Nous trouvâmes à ce mouillage un navire baleinier anglais
qui venait de terminer sa pêche dans divers archipels du grand
Océan. Il ne s’était arrêté ici que pour se mettre en état de
doubler le cap Horn ; et, comme il était entièrement ra v ita illé ,
il allait partir pour l’Europe. Le capitaine Choice qui le commandait
eut l ’obligeance de se charger de nos lettres pour la
France ; et nous profitâmes de cette occasion pour y envoyer
le résultat des travaux que nous avions exécutés ju sq u ’à ce jour.
Voyage de la Coquille.— Part, u
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