2 Î, VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Seincmiif. entre i 5 et 28“ centigrades. Pour eu atténuer les effets et pré-
venir les indispositions qui auraient pu en résulter, nous fîmes
installer les b aignoires, de manière que fécjiiipage pr it des
bains jou rn a lie rs, sous la surveillance de MM. Ga rn ot e t Lesson,
q ui apportèrent à cet objet une attention particulière. Nous
crûmes devoir faire distribuer aux déjeuners le v in de Ténériffe,
de p référence à l ’eau-de-vie, commemo ins excitant. Nous primes
aussi toutes les mesures propres à p r ive r l ’intérieur du bâtiment
de l ’extrême humidité particulière aux mers équatoriales; et,
comme le feu est un des moyens les plus actifs pour purifier
l’air altéré des na v ire s, nous reconnéimes avec satisfaction que
la cuisine et le four, que nous avions fait pla cer dans fen tre -
pont, remplissaient parfaitement cette condition de salubr ité,
spécialement recommandée dans fh y g ièn e navale de M. fin -
specteur Keraudren .
Lo rsque le temps est beau à la mer, tout distra it, to u t donne
lieu à d’amusantes ré flexion s, et parfois le hasard en fait naître
de sérieuses. U n soir, vers l ’heure o ii le soleil, après avoir dispa
ru de f h o r izon , réfléchissait encore ses rougeâtres clartés
sur les flocons de nuages disséminés au zénith, un glob e de
fe u , remarquable par la grandeur de son diam è tre , b rilla dans
l’O .N .O ., et p a rcourut un espace d’environ 45 degrés dans la
direction du Nord au S u d , en laissant sur sa route un sillon de
lumière dont f éclat fut te l, qu’il paraissait même à travers
d’épais nuages qui couvraient en masse la partie du ciel oèi il
alla se perdre. Sa chute fu t suivie d’une détonation semblable
au b ru it sourd et lointain de la foudre. Q u el spectacle pour
frapper de te r reu r f homme su p e rstitieu x , que l’apparition
soudaine d’un pareil météore, tombant en gerbes de flammes
au-dessus de sa téte, lorsqu’au milieu de l ’Océan on cingle à
pleines vo ile s, n’a yant p ou r toute perspective que l’azur des
d e u x et les flots agités ! Il commande la méditation ; et l ’esprit
le plus ph ilo so phiqu e , surpris lui-méme, éprouvant une sorte Sepismbre
de vague inquiétude, se plaît à rappeler les préjugés populaires
auxquels ces phénomènes ont donné lie u ; et il conçoit sans
peine l ’impression profonde q u ’ils devaient produire sur les
premiers n a v ig a teu rs , dont l’im agina tion, tra va illée par l ’enthousiasme
re lig ieux, créait à chaque instant des m ira c le s ’ .
L e 1 2 , nous nous trouvions à cin quan te lieues au Sud de l'île
S a in t-Y a g o , et à plus de cent quarante lieues de la côte d’Afrique.
C ’est à cette distance de toute- terre que nous rencontrâmes
l’hirondelle des cheminées (hirundo rustica) et une tourterelle,
quoique nous n’eussions eu ju sq u ’à ce jo u r aucun vent o rageux,
qui eût pu nous faire supposer que ces oiseaux avaient été entraînés
ju sq u ’ici par sa violence. Egarées en pleine mer, elles
v inrent v o ltig e r autour de la c o rv e t te , dans l ’esjjérance d’y
trou v er un refuge; mais notre maître eanonnier R olland abattit
d’un coup de fusil la paisible tou rte re lle ; le sein de fO c é an ,
q u e lle ch e rcha it à éviter, la re çu t; et les orn ith o lo g is te s, qui
avaient été cause de sa mort, se virent ainsi privés de leur proie.
L ’hirondelle des cheminées a déjà été vue par divers voyageurs
à une distance â peu près semblable de te r r e , notamment [¡ar
MM. de Humboldt et L a Billard iè re , qui l ’ont r en con tré e , le
premier à quarante lieues à l ’E st de Madère, et le second à
soixante lieues du cap Blanc.
Les vents alizés nous abandonnèrent vers le treizième degré
de latitude N o rd , et furent remplacés par les v ents de S .O . et
de S. S. O. qui ne cessèrent de contra rier nos progrès vers la ligne
jusqu’au 20 septembre, que nous parvînmes â atteindre le
parallèle de 5° Nord. T a n t que ces derniers prévalurent, c ’est-
' Guillaume de Normandie tira parti d’un météore de ce genre pour encourager
ses compagnons dans l’exécution de sa descente en Angleterre, en le leur présentant
comme le présage de la victoire. ( B rard. )