Févi'iev
1823.
voiteiit, et ils n’aiment point à recevoir un refus. Cependant les
objets du moindre prix accordés à leur désir excitent leur reconnaissance
, et c’est toujours avec une extrême générosité qu ds
réjiondent aux dons qu’on leur fait. Des moutons, des boeufs,
des ch e v aux , des ponchos, du mais, du ch ica , e tc ., tels sont les
objets dont ils gratifient de préférence leurs amis. On reconn
a ît, au redoublement de leurs ca re sse s, lorsqu’un objet tente
leur cupidité; et si leurs sollicitations devienneiit pressantes
jusqu’à l’im portu nité, il y a du danger alors a leur en refuser la
possession, car on le s a vus souvent employer la force pour sen
rendre maîtres. Rien n’arrête ces êtres bru te s, quand il shigit
de satisfaire leurs passions ; Impatients de toute résistance, leurs
désirs a cquièrent d’autant jdus de ténacité qu’ils rencontrent
Jilus d’opposition. Q uoiqu’ils traitent les femmes comme de véritables
esclaves, ils n ’en ressentent pas moins la jiassion de
l ’amour avec toute la violence de leur caractère sauvage; et
niallicur à l’é lra iig è re , dont la beauté a su les charmer. Pour
arriver à sa possession, il n’est pas de moyen, quelque horrible
qu’il so it, q u ’ils ne mettent en usage.
Dans les dernières guerres qui ont ensanglanté la province
de la Co nc ep c ion , les royalistes et les indépendants tour-a-tour
vaincjueurs ou vaincus ont été tour-à-loiir soutenus ou combattus
par les tribus A ra iican ienn es, et la ville de la Concepcion a vu
maintes fois ces hordes féroces dans ses murs incendiés. Le fils
d’un cacique capitaine d’une troupe de ces sauv age s, envoyé en
ambassade aujirès du gouverneur de cette malheureuse c ité , vit
à un bal donné à cette occa sion, à l ’hôtel du gouverrienient,
la fille d’un officier ch ilien , et conçut tout-à-coup pour elle
ime passion funeste. D ’abord timide et respectueux, il montra
durant toute la soirée sa prédilection pour la jeune fille , eu
suivant sans cesse ses pa s, en allant s’asseoir à ses pieds, lorsq
u ’elle lie figurait point aux quadrilles, en cherchant à lui
prouver jiar l’expression de ses regards et de ses manières jileines
de noblesse qu’il l ’avait distinguée d’entre toutes ses comjiagnes.
La Segnorita Dolores souriait aux empressements du c lie f A rau-
canieu ainsi q u ’aux félicitations de ses amies qui jilaisantaient
avec elle sur l’olijet de sa nouvelle conquête, étant bien loin de
prévoir que le jo u r n ’était jias éloigné, où plus heureuses que
Dolores, elles n’auraient qu’à gémir sur son malheur. Hélas !
l ’Indien aimait de toutes les forces de son ame, et le sort de la
Segnorita fut sans re tou r décidé ■. il prit le soleil à témoin qu’il
ne re tournerait dans son toldo qu’avec elle. Le lendemain
même du b a l, il se rendit aujirès du gouv erneur, lui demanda
Dolores pour épouse; et, croyant le v er tout obstacle, il promit
de la doter. Celui-ci embarrassé de cette proposition subite fit
aussitôt ajijieler l’officier chilien q u i, interdit à une pareille
demande, mais comjirenaiit tout le danger d’nn prompt refus
par la connaissance (¡u’il avait du caractère a raucanien, ch e r cha
à gagner du temjis, en jirenaut pour prétexte l ’usage de sa
nation qui laissait à la volonté de la fille le choix de son ép o u x ,
et jiromit de ne m ettre aucun obstacle à sa décision, si elle était
favorable au jeune chef. A la seule ouverture d’un mariage
semblable, la première imjiression de la Segnorita Dolores fut
un mouvement d’h orreur, et elle n’ouvrit la bouche que jiour
prononcer un refus positif. Mais l ’In d ien , habitué dès l ’enfance
à lie compter jiour rien la volonté des femmes, ne jiiit contenir
la colère que la jiassion souleva dans son sein ; et, exhalant mille
im|)récations et mille menaces, dit hautement qu’il saurait bien
ini-même soumettre à ses voeux la jeune fille objet de son amour,
que dût-il perdre cent fois la v ie , il l ’a rracherait vivante des
bras de son père à travers les décombres de la Concepc ion,
jiour la transjiorter au milieu des siens, dans son to ld o , oii
elle servirait comme esclave celui qu’elle refusait de suivre
comme éjiouse. Aussitôt il fit réunir ses guerriers sur la grande
26.