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, VOYAGE AUTOUR DU MONDE.
Désirant nous approvisionner en vivres frais, nous avions
elioisi la baie de Santa -C atlia riua , sur la foi des relations des
capitaines Rriisentern et K o tz e b u c , t|ni nous avaient donné
res|iéraucc de trouver tout en abondance. Le dernier nieine
conseille à tous les bâtiments d'Europe, destinés a doubler le
ca|) Horii, de préférer cette relâclie à celle de Rio de Janeiro,
dans le but surtout de se ravitailler la cilement, et a bon compte,
eu provisions fraiehes. Mais n otre désappointementfut complet;
ca r nous ne jnimcs nous procurer q u’avec beancorq) de peine un
boeuf, des volailles et cpielipies fruits. Il la iit avouer ipie
les deux ca|)itaines russes y abordèrent a une époque où régnait
la tranquillité la plus parfaite; et, dans les circonstances où
nous nous y trouvions, la c ra inte, les inquiétudes d’uue guerre
prochaine, dominaient tout le monde. Cbacun était |)i‘ê t à s e n -
fuir au premier bruit de l ’arrivée d’uue escadre por tuga ise, et
a\ait déjà pris soin de mettre en lieu sûr son avoir. Une sorte
de terreur panique s’était emparée des paisibles habitants des
eam|)agnes, à tel point ((ue, la nuit de notre m ouillag e, la nouvelle
s’était répandue que la division portugaise allait entrer
daiis la baie.
Il était de totite probabilité que le P o r tu g a l, travaillé |>ar une
assemblée n a tion a le , et privé des mines du B ré s il, n était pas
en état de former une expédition importante contre ce beau
pays ; fa r g c n t , ce ne rf des guerres lointaines, man<|uait. Cependant
les habitants ii’en étaient pas moins dans la persuasion
de voir bientôt des troupes ennemies descendre sur cette terre
pour les rccoloiiiser, c’est-à-dire, selon eux, les rendre esclaves.
Le décret lancé le i " août 1822, i|uiappelait tous les Brésiliens
aux armes |)our la défense des côtes, et leur commandait de laire,
dans tout état de choses, une guerre de pa rtisans, avait donné
lieu à C C S craintes. Les résolutions à-la-fois généreuses et pleines
de vigueur ([u’y développait le prince dom P ed ro , avaient
PA R T I E HI S T O R IQ U E , CHAP. IV. 5 [
donné une hau te idée de son caractère et de ses projets d’émancipation.
Pleins de confiance en ses desseins, les partisans
nombreux de l ’indépendance étaient inspirés d’un enthousiasme,
dont l’expansion était d’autant plus b ru y an te , que leur esprit
ardent avait été long-temps comprimé. Dans l’excès de leur
joie, ils avaient couver t d’illuminations les villes de Nossa Sen-
liora do Desterro, de Laguna, de Sam Francisco, dont ils avaient
parcouru les rues en chantant des couplets en l ’honneur de
dom Pedro. Les chefs de cette révolution n’avaient pu se défendre
eux-mêmes d’une exaltation tyi-annique. Une ordonnance
avait été r e n d u e , menaçant de la déportation tout Portugais ou
étranger établi dans la province, q u i, dans le délai d 1111 mois, a
dater du 12 o c tob re , ne se serait pas déclaré en faveur de l ’in-
dépcndaiice. Chacun fut o liligé , en signe de son adhésion au
nouvel ordre de ch o se s , de porter au bras gauche une cocarde
verte à la circonférence et jaune au c en tre , placée dans l ’angle
d'un chevron en cuivre do ré , sur lequel étaient gravés ces mots
qui ont si long-temps ébranlé et fait frémir l’Europe ; Indepen-
cia ou morte, cri solennel, dont le prince dom Pedro avait fait
retentir le hameau de la Piran g a , où il avait reçu le ianieiix
manifeste des eortès de Lisbonne contre la nation brésilienne;
serment répété par tous ceux qui l ’entouraient, qui en lor-
mèrent aussitôt une devise sacrée, (pie l ’ainour de la liberté fit
briller tout-à-coup sur tous les [loiiits du Brésil.
[ndependencia ou morte, nous répétait 1 adjudant du tort de
Santa-Criiz toutes les fois (pie nous allions le visiter; et, entraîné
par son enthousiasme, il ajoutait à 1 instant, comme s il eût
voulu nous faire partager sa conviction : « O u i, nous ¡iréférons
« mour ir plutôt (pæ (fêtrerecolonisés, ainsi l’ont voulu les cortes.
« En décembre i 8 i 5 , .Teaii 'VI érigea en royaume le Brésil, qui
« était à cette épo(jiie principauté de l ln la n t . Nous prîmes rang
« parmi les n ations, et fe sp é ran c ed une h ono rab le lib e r té , d un
Voyage du la Coquille. — Part. uist. 1 3
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