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168 LÉZARDS CAMÉLÉONlEiN'S
derme, quoique très mince , se prête facilement aux
extensions , aux elongations qui peuvent s'opérer dans
tous les sens. Un tissu muqueuxdiversement coloré
par un pigmentum qui paraît doué d'une propriété
chromatique particulière , dont nous parlerons bientôt,,
se trouve distribué autour et au-dessous des
granulations cornées qui sont comme enchâssées dans
le derme, de manière à ne permettre de déplacement
intime qu'aux portions de peau dont le tissu libre encadre
et circonscrit les tubercules les plus saillans.
Enfin un véritable épiderme transparent, formant une
couche continue , se moule très exactement sur les aspérités
et les enfoncemens de la superficie, comme
nous avons pu le voir et en constater la présence, en
enlevant de très grands lambeaux sur des individus
dont le corps avait été soumis après la mort à une
sorte de macération ^ ou de commencement d'altération
cadavérique.
La surface de la peau ressemble donc à un cuir
inégalement, quoique symétriquement chagriné, et
les grains tuberculeux de cette superficie sont différens
pour la forme, suivant les diverses régions auxquelles
ils correspondent : par exemple, vers le dos ils sont
plus gros et disposés régulièrement comme des pièces
de rapport, arrondis, enchâssés par des mailles en
réseau, dont le tissu est élastique, et varie par conséquent
pour l'étendue. Sur les flancs, ces sortes de
petites mosaïques sont plus anguleuses, disposées par
lignes flexueuses. Sur le ventre et sur le dos, de plus
grandes plaques contribuent à former les lignes saillantes
ou les crêtes qui régnent sur toute la ligne
moyenne et même sous la gorge, où elles forment les
dentelures du goitre. Les granulations qui revêtent
o u SAURIENS CUÉLOl'ODES. 16 9
le pourtour des membres sont en général plus petites
et comme un sable fin. Cependant toutes ces protubérances
cornées , petites ou grandes , examinées à la
loupe, offrent une superficie chagrinée, car chacune
présente une surface garnie de petites aspérités arrondies
, mais rugueuses.
C'est ici l'occasion, comme nous l'avons annoncé,
de parler de la faculté, pour ainsi dire merveilleuse,
dont jouissent les Caméléons , de pouvoir changer de
couleur et d'être, comme disaient les Latins, versipelles^
versicolores. Cette propriété tient certainement
à diverses circonstances. Elle est évidemment le résultat
de l'influence de la lumière solaire ou artificielle
plus ou moins intense; elle dépend aussi, jusqu'à
un certain point, de la température et de l'état
hygrométrique de l'air dans lequell'animal est plongé,
peut-être de ses passions ; mais celles-ci agissant souvent
sur leur respiration , il reste quelque incertitude
sur l'agent primitif ou la cause réelle de ce phénomène.
Quoiqu'on ait remarqué une sorte de coïncidence
des teintes colorées entre le sol et la peau de
ces petits animaux, il n'est pas prouvé que ces nuances
acquises aient dépendu de la volonté de l'animal, dont
la peau ne reflète pas , ainsi qu'on l'a avancé^ toutes
les couleurs des objets qui l'environnent. Plusieurs
autres Reptiles jouissent à un moindre degré de la
même propriété. Les Polychres, les Anolis, les Dragons
, et parmi les Batraciens , on l'a observé dans les
Rainettes et chez plusieurs espèces de Grenouilles ; en
général, dans les espèces dont la peau n'est pas adhérente
aux muscles, et chez celles sous les tégumens
desquelles l'air peut s'introduire. On l'a observé aussi
chez plusieurs Mollusques, et en particulier dans les