86 Voyage d'Egypte
Ces Ponts font au nombre de deux. L e prémier s'étend Nord & Sud, &
le fécond Eft & Otieft. On n’cn connoît point aujourd’hui fufage. Leur lîtna-
tion dans une campagne, qui n’eft pas plus cxpofée aux eaux, que les autres
plaines, donne quelque furprife; & il n’eft pas poffible d'imaginer la caufe de
leur fondation, à moins de fuppofer, qu’il y a eu autrefois un Califeh dans cet en-
droic-là.
L eu r fabrique, & les liifcriptions, qu’on y lit, témoignent, que cc font des
ouvrages des Sarazins. Celui qui va du Nord au Sud a dix arches fur 241. pieds
de longueur, & 20. pieds, 4. pouces de largeur. Leu r hauteur, au deffus de
l’Horifon, eft de 22. pieds. Ils font faits de grandes pierres de taille, à peu près
auffi molle que celle de Bencheim.
Ces deux Ponts, diftans l’un de l’autre do 400. pas, fe joignent par une mu-
raille de briques, en façon de digue, & qui reprend à l’extrémité de chaque pont;
mais n’aboutie à rien.
Quand on a fini d’examiner toutes ces Antiquités, on s’en retourne à la V ille ,
d e là même manière qu’on écoic venu; fi ce n’cft: qu’on fait ia route tout de fuite,
fans s’arrêter nulle parc.
On a toujours foin, dans cette promenade, de fe faire accompagner par un
Janilîàire. Quoiqu’il ne rende pas grand fervice,. fa préfence infpire cependant au
Peuple de certains égards, & fert du moins à s'épargner la peine de fe détourner du
chemin, pour le céder à ceux qu’on peut rencontrer. On lui pa ye , pour ce voyag
e , un F en d o u c li, ou un Sequin. L e s Arabes, qui ont accompagné les Voyageurs,
font bien payés quand on leur donne vingt Paracs à chacun; de forte que
cette promenade peut coûter en tout quatre Sequins pour toute 1a Compagnie,
fans y comprendre les provifions de bouche, donc il ne faut pas oublier de fe pourvoir
• car c’eft: un hazard, fi on trouve dans les Villages autre chofc que du beurre
& des oeufs.
A u cas qu’on veuille faire la promenade dans un feul jo u r , la chofe eft poffih!
c. 11 faut pour cela partir de grand matin du Cayre, & ne point s’arrêter en
- chemin. Ün peut vifiter commodément tout cc qu’il y a à voir, & retourner
même de bonne heure au Cayre. L a dépcniè alors tic montera guère qu’à la
moitié. J ’ai pratiqué l’uuc & l’autre de ces manières; & la dernière m’a plu davantage.
Car quoiqu’on n’ait pas autant de tems de refte, que quand ou fait k
promenade en deux jours, on en a toujours aftèz; & il n’y a rien qui pafle les forces
d’un ’Voyageur. Pour moi, j’aimerois mieux y aller deux fois de cette manière,
qu’une fois de l’autre.
de Dagjour, nom que l’on donne à toutes les Pyramides, qui font au midi de celles
de Memphis, quoique les unes ne foient proprement qu’une fuite des autres.
Les Pyramides de Dagjour finilTent auprès de Mcdoun, où fe trouve la plus
méridionale de toutes. Plus ou en eft éloigné, plus elle frappe la vue ; mais quand
on en approche de près, elle ne paroît pas de grande confequence, n’étant bâtie que
de grandes briques cuittes au Soleil. C’eft la raifon pourquoi les Arabes, & les
Turc s , l’appellent communément f a u f e P y r am id e . On k découvre de fort
loin, & d’autant plus diftinaement, qu’elle n’eft pas (i près des Montagnes, ni
dans le voifinage des autres Pyramides. Elle eft élevée fur une petite Colline de
fable. Ses quatre côtés font é gaux , & defcendent en pente jusqu’à l’Horifon en
forme de glacis. Elle a trois à quatre degrés, dont le plus bas peut avoir vingt
pieds de hauteur perpendiculaire.
Cette Pyramide n’a point été ouverte ; & elle fera iàns doute déformais a 1 abri
de cette infultc, parce qu’elle n’a que très-peu d’apparence. L ’cnvic ne viendra,
je penfe, -à pcrlbmie d'en entreprendre la deftruaion, qui engagcroit à trop de dépenfes
& de hazards.
Parmi les autres Pyramides de Dagjour, dont la plus grande partie eft lituéc
près de Sakarra, il n’y en a que deu x, qui méritent quelque attention; car les autres
ne font pas bien grandes. L ’une de celles-là a été ouverte; mais comme on peut
confidérer avec plus de fureté & avec plus de commodité l’intérieur de la grande
Pyramide voifine du Cayre, il y a peu de Voyageurs qui s’expofent à aller vifiter
celles de Sakarra. On y en compte pourtant une vingtaine, tant grandes que pcti-
CCS, ét qui 11c prcicncenc pus uu aipcct désagréable.
Ces Pyramides font coûtes ficuées au pied des Montagnes; & il femble que
la Nature aie tout exprès ménagé dans cet endroit une plaine pour cet ufage. En
effet on n’en trouve point dans toute l’Egypte de pareille; car non feulement elle eft
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DAGJOUR.