il
qu’clle écoic attachée au deffous de la Citadelle; & quii efpéroit, le lendemain, ou,
pour le plus tard, le jour d’après, l’amener à l’endroit où fe faifoit l’embarquement.
M A RD I, 21. Jan v ie r . G jour-là, le vent étoic trop fo rt, pour entreprendre de conduire la barque dans
l’endroit où nous devions nous embarquer. De plus, c’ccoic le jour de Pâques des
Turcs.
ME CR EDI, 22. Jan v ie r .
L e s mêmes raifons empêchèrent la barque de defcendre. Ce même jour, l’A g a nous
envoya une Brebis & du pain blanc, fait à l’occaiion de la fête de Pâques. II nous les
fit préfenter, au nom de fa Sultane; ce q u i, dans le langage du Pays, vouloit dire:
’’Vous avez oublié de lui faire un préfent : penfez-y, & reparez votre faute.”
JEUD I, 23. Janvier.
L a barque arriva enfin le matin à fa place. J ’allai la v oir; & je la trouvai affez fpa-
cieufe. Elle ne tiroit qu’un pied & quelques pouces d’eau étant vuide; & elle écoic à
fonds plat. Toutes ces forces de barques iòne conftruites de bois de Sicomorc, bois,
donc font aufiî faites les Caiffes des Momies. Ce bois eft extrêmement dur; & on
peut dire, que les barques font bien fortes. Cela n’empêche pourtant pas qu’il n’cn
périfie un grand nombre, tant à caufe dc leur mauvaife conftruction, qu’à caufe de
l’ignorance des Pilotes, qui ne fçavent pas gouverner. J e convins avec le Ke ys, de
la manière donc les chofes devoiem être difpofées dans fa barque, pour notre plus
grande commodité.
Vers le fo ir, nous envoyâmes quelques Quinquaillcries à Madame l’A ga ffe , qui
fit dire, qu’elle en écoic crès-facisfaice. Mais Monfieur fon Epoux fe plaignit au J u if,
de ce que nous étions trop refièrrés à fon égard ; & ajouta, qu’il n’étoic que jufte, que
nous nous défifiions encore de quelque chofe en fa faveur. L e J u if répondit, que
nous avions déjà tant donné, & qu’on nous avoic tant pris, qu’il ne fçavoïc pas, & il
nous reftoit futhfammenc de quoi nous conduire au Cayre. L ’A g a témoigna, qu'il
ne fe payoit pas de cette réponfe. Il nous fit dire néanmoins, que, le lendemain, il
nous envoyeroit des montures, pour nous conduire à la barque.
Notre Valet J u if nous pria, de lui permettre de charger dans la Barque une partie
de Dattes, fur lesquelles i! feroit quelque profit, en les vendant au Cayre. Nous
étions en droit de difpofer dc toute ia Barque, ainfi nous fûmes bien aifes de lui procurer
cc petit avantage. Nous lui avançâmes même une douzaine de Piaftres, pour
faire cet achat. Nous ne connoifiîons pas alors la conféquence de la chofe. Sans
cela nous nous ferions bien gardés de lui accorder la permilfion qu’il demandoit : nous
l’aurions plutôt avantagé d’une autre façon.
VENDR ED I, 24. Janvier.
L e s Chameaux arrivèrent le matin, avec des BouiTÎques, fur lesquelles on devoîc
charger notre bagage. Mais le Reys fit difficulté de fe mettre en befogne, fous prétexte
qu’il n’avoit pas couché les dix Sévillans, que nous avions remis à TAg a , poulies
lui donner. Il écoic aifé de juger, que l’A g a les vouloit retenir pour fon courtage.
Nous ne crûmes pas devoir nous mêler dc cette affaire. Nous nous contentâmes
d’envoyer le J uif, avec ordre de faire des plaintes du Reys. L ’A g a fit appeller celui-
c i; il lui remit les 10. Sévillans en préfence du J uif; & l’obligea de déclarer, qu’il les
avoit reçus de nous. Cette procédure étoit dans l’ordre; mais l’A g a écoic trop avide,
pour Lâcher prife fi aifémenc. A peine le Reys eut-il reconnu avoir reçu cet argent,
que TAga lui ordonna de le lui rendre. Il fit venir enfuite le Cadis, pour dreficr un
concracl, où le pauvre Reys fut contraint de fouscrire, qu’il avoit reçu les 10. Sévillans.
On ne fçauroit concevoir de quelle manière ces Miférables font écorchés par
leurs fupéricurs, qui tirent d’eux tout ce qu’ils peuvent : ainfi il n’eft pas étonnant, s’ils
veulent auflî cirer à leur cour de ceux , qui ont de quoi leur donner.
Nous ne nous rendîmes à bord, qu’après midi; & nous n’avions pas encore
embarqué tout notre bagage, lorsqu’il s’éleva une difpute encre les Chameliers & les
hommes, qui conduifoicnt les Bourriques. Ce ne fut d’abord que des paroles: les
injures fuccédèrenc; & enfin ils en vinrent tout de bon aux mains. Ils fe battirent
avec des bâtons affez courts, & plombés, qu’ils portent ordinairement. L e Peuple,
qui accourut bien-tôt en foule, fe mit de la partie ; & en moins de rien on vit quatre
à cinq cens Hommes engagés dans la mêlée. L e combat fut rude. Plufieurs furent
renverlès des coups qu’ils reçurent ; & quelques-uns paroifibienc à demi-morts. Pour
nous, dès le cominenccmenc de la querelle, nous nous retirâmes dans notre barque,
où nous eûmes foin de tenir nos armes precces, au cas que Torage s’approchât trop
près de nous.
Cependant, TAga, informé de ce tumulte, envoya une douzaine de Janiffaires,
pour Tappaifer. Leur préfence n’en impofa point. Us furent obligés de jouer long-
tems dc leurs bâtons; & ce ne fut qu’au bouc d’une demi-heure, qu’ils parvinrent à
T om . 11. S s s féparer