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la mienne; qu’il pouvoit être fur, qu’il n’auroit rien que par force; & que de ce pas
j’allois à la barque, afin d’y mettre tout en ordre pour fa reception.
Il fe fit expliquer ce que je vcnois de dire, Sc eut la patience de rentciidrc, fans
fe fâcher. 11 fe contenta de répondre, qu’il avoit pourtant aflèz de force pour nous
détruire s’il le vouloir. ’’Nous le fçavons, r e p h q u a i- je ; Sc nous avons été informés
"de votre mauvaife volonté, avant que de partir d’Eflbaen. Nous n’avons pas laifle
"de venir, après avoir pris la précaution, de faire venger les infultes qui nous feroienc
"faites, au cas que nous ne fulfions point en état d’en cirer vengeance nous-mêmes.
"Là-deflus, je me levai. Je pris congé; Sc je m’en allai à la barque, avec la ferme
"réfolution de n’en plus forcir.’’
Je n’y fus pas üne demi-heure, que Baram m’envoya dire de lui envoyer un
Interprète. L e J u if y alla ; Sc recom-na bien-toc avec la nouvelle, que Baram étoic
féricufeinenc dans le deficin de nous laifièr partir; qu’il demandoic, qu’on lui envoyât
les préfens qu’on écoit convenu de lui donner. 11 demandoic encore quelques autres
bagatelles de fi peu d’importance, qu’il ne valoit pas la peine de les lui refufer. Moyennant
cela i! promettoit de nous faire partir d’abord, Sc de nous accompagner lui-même,
jusqu’à une certaine diftance.
Il n’y avoic pas beaucoup de fureté à fè fier à la parole d’un Homme, qui en
avoic manqué fi fouvent. 11 falut néanmoins en paflèr par-ià. L e s préfens lui furent
envoyés avec l’argent; & le Sch orb atfcb ie eut auflî fa portion, avec quelques piaftres
dc plu s , qu’il avoit demandées pour fes Enfans.
Vers le Midi, Baram Cacheff, acccoinpagné de deux de fes Braves, fe rendit à
la Barque. Il vint d’abord a notre tente ; mais comme il vit que nous étions à cable,
il ne voulut abfolument pas entrer, de crainte de nous troubler. Il fit d’abord appareiller
& mettre à la voile. Quand il vit que nous avions dîné, il me remit fon fabre
& ceux de fes Gens, pour les garder, Sc pour montrer qu’il agifibit de bonne foi.
A lo r s, il me fit demander, fi j’écois content de lui & fi je l’appcllerois encore un
Homme fans foi ? J e n’avois g'a'rde de chercher à l’irriter. J e lui fis dire, que je
n’aurois pas cru qu’il étoic fi honnêcc-homme ; & que préfentcment je lui voulois du
bien. .J’en difois trop, à un Homme dc cette crampe : auifi ne manqua-t-il pas dc me
prendre au mot. ’’Puisque tu me veux du bien, r e p r it - i l, donne-moi donc quelque
’’chofe.’’ Nous parûmes un peu ferrés; mais il ne démordoit point; & il falut encore
fc défaire de bien des bagatelles en fa faveur. Ce qu’il y avoic de pire, c’cft qu’il ne
finiffiniiToic
point. Ii n’avoit pas plutôt une chofe, qu'il en vouloit avoit une autre. Rien
n’écoic plus ennuyant. Il demandoic: nous rcfufions: on difpucoic dc parc & d’autre-
enfin il faloit en venir à compoficion; & toujours donner, des bagatelles à la vérité-
mais des bagatelles, qui auroienc pu nous fervir dans une autre occafion.
Cependant nous avions fait bonne route; Sc la nuit approchoit. Nous mîmes
à terre à Karavafchic. Baram nous y quitta, fit apprêter fon fouper, & mangea à la
belle étoile, à une petite diftance de la E
Dans ces entrefaites un Garçon des Pères, à qui on avoic volé une Redingotte,
alla fe plaindre à Baram Cacheff, qui commençoic déjà à s’enyvrer. Il encra dans
une funeufe colère, fe leva, tira fon fabre, Sc jura, que quiconque avoic fait le vol le
payeroic de fa tête. "Je veux bien, a jo u ta - t - i l , prendre tout ce que je puis attrap-
”per; mais je prétends que mes Efclaves tiennent leurs mains nettes.” Là-deffus il
ordonna une recherche exafte ; & dans un inftant la Redingotte fe trouva. L ’Efclave
qui Tavoit volée, fe jetta à fes pieds, pour demander grace; nos Gens mêmes implorèrent
pour lui ; & Baram fe laiffa fléchir. L ’iffuc de cette affaire fut heureufe pour
nous ; car fi Baram avoit tué fonEfcIavc, nous aurions été obligés de le lui payer. C ’eft
la moindre chofe qui nous en feroit arrivée. Nous étions fort fâchés de ce que le
Garçon avoic porté fa plainte -à notre infçu; mais il n’en prévoyoic pas les conféquences.
Avant que de fortir de la Barque, Baram Cacheff nous avoit obligés de payer
deux Sévillans à chacun des Braves qu’il avoic amenés avec lui. Lui-mêmc, comme
je Tai dit, nous avoic efcroqué tout le jour, tantôt une chofe, tantôt l’autre; & n’avoit
ceffé dc demander, que parce qu’il n’avoit plus rien vu, qu’il pût exiger. Il fembloic,
qu’il vouloit encore revenir à la charge; car il fit entendre, qu’il avoic envie de retourner
à la barque, pour y prendre congé de nous. L e Frère de TAg a, qui avoit
foupé avec lu i, nous fauva cette rechutcc. Il lui repréfenta, qu’il avoic tout à craindre
, s’il nous approchoit pendant la nuit, qu’on nous avoîc tant véxés, que nous étions
pouffés à bout; & qu’il ne répondroit pas de fa vie, s’il faifoit tant que de rentrer dans
la Barque.
T o u t yv re qu’ctoit Baram, ces repréfentations firent effet fur lui. Il fe contenta
de nous envoyer fouhaicer un bon voyage de fa parc. Mais il nous fit dire
en même tems qu’il venoit d’être informé, que fa Sultane écoic accouchée ; & que
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