268 Voyage d'Egypte
II y a tout auprès de cette Ville un amas de pierres, reftes d’un Edifice antique
couc-à-fait ruïné. Je defcendis pour voir !a V ille , où je remarquai, qu’on avoit employé
pour la baciiîe des maifons, des morceaux de colonnes & d’autres pierres cirées
de quelques anciens Bâtimens. Je me mis en chemin, pour aller faire la vifite des
ruines que j’avois apperçucs. 11 me fut impoifible d’y amver. L e Vent étoit fi fort,
& élcvoic tant de fable, qu'il n’y avoit pas moyen de tenir les yeux ouverts. Il falut
abfolument rebroufièr chemin.
L e calme étant revenu, vers le foir, nous mîmes dc nouveau à la rame ; S: quoique
nous euifions enfuite une nuit très-obfcure, nous ne laifiâmes pas de faire li bonne
route, que, vers les onze heures du foir, nous avions déjà pafie
B A G jU R A .
A une petite diftance, au defibus de cet endroit, nous donnâmes fur un banc de
fable, où nous reftâmes jusqu’au lendemain.
LU N D I , \ o .F e v n e r .
N o t r e monde travailla beaucoup, pour dégraver ia barque. Ils fe mirent tous dans
l’eau pour la foiilcver. L e Reys les aidoit avec une longue perche; mais elle fe cafia,
& il tomba alors dans Teau. ü n le retira; Sc on recommença à faire d’autres efforts,
qui mirent enfin la barque à flot.
Comme l’équipage s’écoic extrêmement fatigué dans cette manoeuvre, nous
abordâmes pour le laifièr repofer. A u bouc de quelque tems, nous remîmes à la rame;
& nous arrivâmes à
S A U A G G E L . .
Dans cet endroit, le Reys fit provifion de Brouifailles, pour brûler. L e terrein
cultivé, aux environs dc ce Village n’a guère plus dc cinquante pas de largeur.
L e s Montagnes commencent au-delà ; & on y apperçoit quantité de Grottes & diverfes'
Carrières.
Pour continuer notre route, nous prîmes à TOrienc du N il; & nous eûmes
beaucoup de peine à avancer. L e lit du Fleuve avoic changé cette année; &: avoic
jetté des bancs de fable.au travers du paffage. Nous en furniontâmes crois, avec bien
du travail; ¿¿nous en trouvions toujours quelques autres devant nous. L e Reys
écoic obligé d’aller dc tems à autre à terre pour s’informer des profondeurs. On lui fit
efpérer, qu’après qu’il feroic un peu plus avancé, il y auroit affez d’eau. Nous prîmes
courage là-dcffus; & tantôt on le fcrvoit des rames, tantôt on avoic recours à la
corde.
corde, lorsque le befoin Texigeoic. Par ce moyen nous forcîmes des bancs, •& fîmes
tant de diligence, que vers le foir nous avions gagné
S AM H U U D .
Nous jettâmes le grapin au milieu du N i l , en attendant que le jour vînt.
m a r d i , I I . Février.
L e matin, à fix heures, nous remîmes à la rame, & fîmes bonne route, parce que
nous n’avions pas beaucoup de vent. Nous étions déjà, à neuf heures, près de
B E L L IE N E .
Nous fûmes obligés, dans cet endroit, dc prendre le long de la Rive orientais
du N il, parce que Tautre côcé n’avoit presque point d’eau cette année. Quand nous
fûmes un peu plus loin, le vent devint fort, & nous força de mettre à terre. Nous
y trouvâmes une barque qui déehargeoic, parce qu’elle ne pouvoit pas pafièr les bancs
de fable, qui traverfoient le Fleuve.
L ’après-midi, le vent étant tombé, nous reprîmes notre route ; & nous avan- .
çâmcs tant, que nous pafiâmes au de-là de
BA R D IS .
Nous nous trouvâmes alors tellement engagés dans des bancs de fable; que
nous ne fçavions pas par où prendre pour en fortir. Deux grandes barques chargées
dc Scéné, y avoient déjà déchargé depuis fept jours, fans avoir pu fe remettre à flot.
Nous craignions de nous voir dans la néceifité d’en faire autant. Mais nous atcrappâ-
mcs un petit Canot, & promîmes à Thoinme, qui y étoic, de le bien payer s’il nous
pouvoit trouver un débouché, pour nous faire forcir de ce Labyrinthe. Il en vint à
bouc; & quand il nous eut tiré d’intrigue, nous continuâmes notre route, de façon
que, vers les neuf heures du foir, nous arrivâmes à
G IR G E , o u T S C H IR C H E .
ME CREDI, 12. Février.
L a matin nous dcfcendîmcs à terre, pour faire des provifions. Un des Pères de
THofpice nous demanda pafiàge pour aller au Cayre; & nous le lui accordâmes, avec
plaifir. L e Bey de Tfchirche n’ctoic pas encore dc retour; mais le Prince d’Achiniin
fe trouvoit dans cette Ville; & il devoit fe rendre à Bardis, pour y tenir une Aflèin-
blée générale de tous les Schechs Arabes.
Nous étions prêts pour partir, &: nous croyions que rien ne pouvoit nous arrêter.
Mais notre Reys, & le Valet J u i f, y avoient mis bon empêchement. A u lieu
T om . i l . Y y y de
lüll