ment l’avantage de la Langue , on peut toujours faire plus de fonds fur le rapport
de ces honnêtes gens, que fur celui d’un coquin de Valet, J u i f, ou G re c, qui
fouvent a l’effronterie de fuppofer quelque danger, afin de fe rendre plus néceffaire.
Avant que de laiffer cette matière, j’ajouterai une régie, que l’on doit déjà
fuivre à Aléxandrie, & qui doit être exaclcinenc obfervée dans toute l’Egypte.
C ’eft de ne jamais faire creufer au pied de quelque Antiquité, ni rompre aucun
morceau de pierre de quelque monument que ce foit. Il faut fe contenter de voir-
ce qui eft expofé à la vuë , & les endroits, où l’on peut grimper, ou auxquels on
peut parvenir en rampant. Quelque plaifir qu’il pût y avoir à confidérer un monument
antique dans fon entier, il faut y renoncer. L e s fuites en feroienc trop
dangéreufes. Un Confuí de France effaya de faire creufer auprès de l’Obélisque
deCléopâcre à Aléxandrie, afin d’en avoir les juftes dimenfions. Il avoir eu foin
d’en demander la periniiTion, qu’il n’avoit obtenue qu’avec bien de la difficulté.
Malgré cela, il ne lui fut pas poffible de venir à bout de fon deffein. A mefure
qu’il faifoit creufer, le jour, on fermoit, la nuit, le trou, qu’il avoit fait faire.
Cette oppoficion opiniâtre vient de ce que tout le Peuple, tant Grands que Petits,
font perfuâdés, que tous les Monumens antiques renferment quelque tréfor caché.
Ils ne fçauroient s’imaginer, qu’une pure curiofité engage les Européens â palier en
Eg ypte , uniquement pour y creufer la terre: au contraire ils font fi perfuâdés de
notre avarice, qu’ils ne nous pennecccnt point de fouiller nulle part. Si on
s’avife de le faire en cachette, & qu’ils viennent -à s’en appcrcevoir, ils nous regardent
comme des Voleurs. Ils fouciennenc, qu’on s’eft emparé du tréfor, qu’ils
fuppofoienc être dans cet endroit ; & afin d’avoir meilleure prife fur c eu x , qui ont
fouillé la terre, ils font monter ce prétendu tréfor à un prix excelfif.
II femble que les Grands du Pays, infatués de cette opinion, ne devroicnt
jamais ccfièr de fouiller dans la terre, & de détruire cous les reftes d’antiquités.
C ’cft en effet à quoi plufieurs d’entre eux fe font appliqués; & divers précieux
reftes de monumens antiques font péris par-l-à. Mais comme ils n’ont rien trouvé
, ils fe font à la fin laiîès de la dépenfe. Ils ne fe font pas pour cela défaits
de leur folle imagination: au contraire ils y ont joint une autre idée encore plus
infenfée, en fiippofant, que tous ces tréfors font enchantés; qu’-à mefure qu’on en
approche, ils s’enfoncent de plus en plus dans la terre; & qu’il n’y a que les Francs,
qui foient capables de lever ces charmes; car ils paffent généralement en Egypte pour
être de grands Magiciens.
Une
Une autre raifon encore a détourné de ces fortes de recherclies. Deux de
ceux, qui s'ctoient rendus fameux par. cette cntreprilé de creufer la terre, pour y
chercher des trcibrs, tombèrent entre les mains de leurs Supérieurs, qui ne les
épargnèrent pas. & ne voulurent jamais croire, que ces Hommes-là n'avoient rien
découvert. Ils les accuièrent, d’avoir trouvé des tréfors & de le n ier, pour ne les
pas partager avec eux. On leur faifoit tous les jours de nouvelles avanies, fous
des prétextes frivoles; & enfin on leur lit payer les profits d'une recherche, dont
ils n’avoient jamais ciré aucun avantage.
Ce qui fe trouve d’antiquités à Aléxandrie, tant en Médaillés, qu’en pierres
gravées, & en autres chofes femblables, fe découvre, comme je l’ai déjà remarqué
ci-deffus, fans creufer, & feulement quand les terres font lavées par la pluye.
Si, dans quelques occafions, on remue la terre, on le fait fous d’autres prétextes,
comme pour tirer des pierres, quand on veut bâtir, &c. Mais cela fe fa it, fans
coucher en aucune façon à ces pièces antiques, qui font debout ; & q u i, par cette
heureufe jaloufie, fe font confervées au milieu d’un Peuple barbare, qui d’ailleurs
n’en fait pas grand cas.
Je ne dis rien du péril, où un Etranger s’expofe, s'il a la foibleffe de s’engager
dans quelque intrigue amoureufe. J e fuppofe qu’un Homme, qui va en
Eg vp te, pour s’inftruire par la recherche de l’Antiquité, doit être affez modéré &
affez retenu, pour n’avoir rien à craindre de cc côté-là. Si cependant il s’en
trouvoit quelqu’un, qui eût befoin d’antidote contre une fi folle paifion, il fuffit
de le renvoyer aux récits, que tous ceux , qui ont fréquenté Aléxandrie & le Cayre,
Inl pourront faire. Il apprendra, que de jeunes Marchands ont été malheureufement
aftàffincs dans ces deux Villes; que d’autres, après s’être ruinés, à force de
faire des préfens aux Janillàires, pour les eng-ager -à ie taire, fe trouvèrent à la fin
trompés à tel point, qu’au lieu d’avoir jouï de quelques femmes de diftinaion, ils
s'écoieiic abandonnés aux plus viles Proftimées, qui, par deffus le marche, les
avoient .régalés d’un mal, qu’ils gardoient pour toute leur v ie , & dont perfonne
n’étoic en état de les guérir.
Enfin, dans l’E g yp te , on doit éviter, encore plus qu'ailleurs, les occafions
d'ctrc infiilté par les gens du Pays. Mais fi malheurenfement le hazard vouloit,
qu'on fût expofé à leurs infultes, il cfl: prudent & fage, de faire l’orcillc fourdc, &
de