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Nous y venconti-âmes la Barque, que l’A g a avoic frétée pour nous. Elle ctoit
l)icn plus petite que la prémiére, que nous avions louée au Cayre. Cependant quand
nous y eûmes mis notre tente, elle nous parut aifez commode. Nous donnâmes au
Fils de TAga & îi fon Compagnon fept Sevillans, tant pour le droit de la Douane, que
pour la peine qu’ils avoient prife de nous accompagner. Ils auroienc bien voulu avoir
davantage ; car il eft bien rare dc pouvoir contenter quelqu’un dans ce Pays ; mais
nous fìmes femblanc de ne pas nous appercevoir de leur mécontentement. A l’égard
de la voiture, elle nous coûta lo . Paracs, par chaque Chameau, & 3. parats^ par
chaque Bourique. J ’obièrvcrai, à cette occafion, que ce qu’on appelle ici des Chameaux,
ce font des Dromadaires, qui ne portent pas une grande charge; & qu’on ne
peut mettre fur les Bouriques qu’an fac, tant elles font petites & foiblcs.
LU N D I, 23. D é c em b r e .
L e Fils de l’A g a v in t, de grand matin, prendte congé de nous; Sc nous renvoyâmes
un Janiffaire, que nous avions, depuis notre arrivée à Effuaen. Il parut très-
content d’un Sevillan que nous lui donnâmes. L e R e y s , qui nous avoic amenés du
Cavre, vint auifi prendre congé; & nous lui fîmes prefent d’un habit verd & dc quelques
quincailleries, pour fa femme Sz pour fes Enfans. A l’égard des trente Fcndou-
clis, que nous étions convenus de lui donner, pour notre paffage, ils lui avoient été
payés d’avance, avant que de partir du Cayre.
Dans le ccms que nous comptions de mettre à la voile , on nous fit entendre,
qu’il ne faloit pas y fonger, de crois ou quatre jours, parce que le K am m a ilam étoit
commencé, &: que ia L o i du Prophète ne permettoic pas d’entreprendre un voyage
dans les prémiers jours de cette Fête. C c ft pour cette raifon, que notre nouveau
Reys ne s’étoic encore pas rendu à bord.
Suivant l’accord que nous avions fait avec lui, fa Barque, comme celle que
nous avions louée au Cayre, ne devoir être chargée que de nos perfonnes & de notre
bagage; mais il nous arriva ici la même chofe qu’au Cayre. N o n -obliane l’accord,
nous vîmes qu’on fc mettoic en devoir d’y charger du fel & du bled, qui avoient été
apportés au porc fur plufieurs Chameaux. J ’cn fis faire des plaintes au Pilote, qui dit
que fa barque ne tirant que deux pieds d’eau, au lieu de crois qu’elle devoit tirer, pour
être leflée, il convenoit dc recevoir ces marchandifes. Il obtint là-dcffus la permiffion
de les charger. Il en refulta pourtant d’abord un inconvénient; c’cft que notre Barque
faifoit beaucoup d’eau , parce que le deffus avoic été long-tems expofé au folcii,
& que la plupart des jointures s’ctoient entre-ouvertes.
Durant
Durant le féjour qu’on nous obligeoic de faire, malgré nous , je me promenois
dans les environs du Port. L ’envic me prit de paflèr un Défilé, qui menoit de l’autre
côté de la Montagne, que nous avions au M id i, & qui croit fi étroit qu’un homme
feul pouvoir à peine y paffer de front. Je pris avec moi quelques-uns de nos Gens;
mais, dès que nous fûmes à l’entrée du Défilé, une vingtaine de Barbarins, la Zagaie
à la main, s’oppoferent à notre paffage. Il falut arrêter; & je fis d’autant moins d’in-
ftance, pour avoir la liberté de paffer, que la Barque devoir bien-tôt nous mener de ce
côcé-là. Je feignis donc de m’embarraifer peu de pénétrer plus avant; & je le leur
fis dire par le Valet Juif.
Cette indifférence n’étoic pas ce qu’ils fouhaicoient. lis répondirent que je
pourrois paffer, & qu’ils me conduiroient eux-mêmes, pourvu-que je leur donnaffe le
B a c k jïc b i mais pour leur perfuader que j’agiffois de bonne fo i, je refufai leur offre,
& me retirai vers notre Barque. Ils m’y vinrent trouver, & me prièrent d’aller dans
l’endroit que je m’étois propofé de voir ; mais je ne me laiffai point perfuader. Ils dirent
après cela à un de nos Pères, qu’ils m’avoient rcfufé le paffage, parce qu’il y avoic
quantité de tréfors enterrés dans une Isle voifine.
M A R D I , 24. Décembre.
A , v e c le jour, ii nous arriva un Exprès dépêché par le Cacheff Ibrim. Cet Exprès
écoit chargé d’une lettre adreffce à notre Reys. Elle lui faifoit défenfe de partir avec
fa barque, & de nous mener plus loin. L e Cacheff ajoutoic, qu e , dans le jour il
lèroit à Efîuaen; & que de-là il lui donncroic fes ordres, pour ce qui nous concernoit.
Du refte, la lettre, félon l’ufage des T u r c s , écoit ouverte; & comme ie Reys ne fe
trouvoit pas à bord, le Pilote la porta à un dc nos Pères, pour qu’il la lût.
L e contenu de cette lettre nous furprit extrêmement. Nous ne pouvions concevoir
la raifon de cette défenfe. Nous propolàmes à un des Pères de fe rendre chez
1’2‘à ga , pour le confulter, Sz pour convenir avec lui de la manière, donc nous devions
nous conduire dans cette facheufe rencontre. Mais le bon Pére, qui, apparemment
avoic été intimidé par les difcours, que TAga lui avoic tenus, s’excufa, (bus prétexte
de quelque incommodité. Les autres s’offrirent d’y aller; mais, comme ils n’écoient
pas affez forts dans la Langue , je réfolus d’y aller moi-même, avec le Valet Juif, à qui
je fis faire ferment dc ne dire abfolument à l’A g a , que ce que je dirois, & de me rapporter
fidèlement les réponfes de cet Officier, afin que j’en pulîè ju ger, fi on avoic deffein
de nous faire quelque avanie, ou de nous jouer un mauvais cour.
T om . J l. E c e Cette