il ,
P
Tans ma prote8:ion, fans celle de mon P ére , & fans celle de mes Amis. L e Bey de
’’T fchirche m’a chargé d’avoir foin d’eux: ainfi je prétends, que pour leur propre
Tureté, ils ne partent pas, avant que j’aille moi-même dans le Pays, où je répondrai
”de chaque pas qu’ils feront, S: où je les pourrai garentir de toute infulce.”
Cette réponfe m’ayant été expliquée, je fis dire au Cacheff, que je le rcmerciois
de fes foins; mais que nous ne pouvions pas attendre fon départ, puisqu’il n’auroit
lieu que dans trois ou quatre femaines ; que nous ne craignions rien de la part du Peuple;
& que fi quelqu’un nous atcaquoit, nous fçavions nous défendre; en un mot que
toute la grâce que nous lui demandions, c’étoit de lever l’ordre qu’il avoit donné de
fufpendre notre départ. ”J c le v eux, dit-il, fi vous voulez figner de votre main, que
’’vous avez refufé ma prote0 :iou & celle de mes Amis; & que vous me tenez quitte de
’’cous les accidens, qui vous peuvent arriver.” Je n’avois garde de confcntir à une
pareille demande. Pour trouver un milieu je lui fis propofer dc nous donner des
Lettres pour fes Amis ; & j’ajoutai, que je les croyois capables de nous procurer le peu
de proteclion, dont nous pouvions avoir befoin. ’’A fin de vous montrer, repric-il,
"combien je fuis porté à vous faire plaifir, je vous les donnerai telles que vous les vou-
”drcz & j’envoyerai au Reys la permiffion de mettre à la voile.”
Là-deffus nous prîmes congé de lui; mais quand nous fûmes prêts à forcir de
fa Baife-Cour, il nous rappella, & dit tout bas au Fils de TAga, qu’il me devoit avertir,
que fi nous voulions avoir des lettres, il faloit les payer d’un bon préfent & de
quelque argent comptant. Il y avoit trop de monde dans la C ou r, pour entrer en
difcours fur cette matière; de force que le Fils de l’Aga fc tu t, & ne communiquà
l’avis qui lui avoic été donné, que lorsque nous fûmes forcis. Il le déclara au J uif,
qui m’cn fit le rapport.
Nous retournâmes chez l’A g a , pour lui faire parc de ce qui s’écoic pafle. Il
prit d’abord tout le difcours du Cacheff dans fon vrai fens; & concîud, qu e , fi nous
voulions avancer, il faudroit abfolument en paifer par-là: d’autant qu’il ne convenoit
guère de l’avoir pour ennemi. Comme je voyois l’A g a agir de bonne fo i, je le fis
prier de compofcr avec le Cacheff au meilleur marché qu’il lui feroit poffible. II le
promit; & me dit d’envoyer le lendemain notre J u if, pour apprendre des nouvelles
de fa négociation. J e le priai dc me procurer deux Montures, pour retourner au
Port de la Cataracte. Il me prêta fon Cheva l, & me fit avoir une Bourique pour
mon Valet. Bien nous en prit d’être montés. L e pourparlcr avoir tellement dure,
que
que le jour fe trouvoit avancé; & nous eûmes de la peine à arriver à notre Barque
avant la nuit.
J'eus foin de défendre au J u if de rien dire des diffieultés qu'on nous avoit faites,
J e craignois que nos Compagnons dc voyage ne pcrdilfent le courage, qui e ftfi
néceiTaire pour franchir des pas difficiles.
MECREDI, 25. D é c em b r e .
A u jo u r d l iu i , jour de N o ë l, après avoir fatisfait à quelques devoirs qu'exigeoit un (i
fiint jo u r, j'employai tout le relie du tems à vifiter la Cataraae; & pour ne pas donner
trop dans la vue des Gens du Pays, je me dérobai, avec une feule perfonne de
la Compagnie, qui n'entendoit pas plus l'Arabe que moi.
L'endroit où je me rendis d'abord fut celui, où j'avois obfervé, le jour précédent,
que fe rencontroit la plus grande chute. J e fis tant de tours & de détours fur
les rochers, qui avancent le plus dans le Fleuve, que j'eus de la peine à en fortir à fcc;
& je m'y étois arrêté plus d'une heure à faire mes obfervations, fans y avoir vu ame
qui v iv e ; mais en montant fur un rocher, j'y trouvai un Barbarin qui pefchoit. J e
pris plaifir à le regarder! il s'en appcreut; & il me conduifit dans un endroit, où à
l'aide d'un petit crochet, il me fit prendre d'excellentes Carpes. J e lui donnai alors
quelques parats; & ce petit préfent, qui étoit nne efpèce de fortune pour lu i, me
gagna entièrement fon a fiia io n ; de forte qu'il abandonna fa pcche, & me mena dans
tous les endroits qui étoient acccffibles; .Je demeurai plus de quatre heures avec lu i,
& j'eûs tout le loifir de contempler la fituation de cette CataraBe, q u i, dans ce tcms-
là , pouvoit avoir quatre pieds dc chute & trente pieds de longueur. Je ne manquai
pas d'en lever une Carte particulière, que je joints à mes deifeins.
De deifus un de ces rochers, je découvrois les beaux relies d'Antiqnité dc G/e-
fir e t EU -H a fl ; mais j'en étois trop éloigné pour en tirer un bon dclfcin. J e m'en
confolai par l'elpérance d'y aller un autre jour, ou du moins d’y paifer lorsque nous
auj-ions la liberté dc continuer notre route.
Durant toute cette promenade, j’effuyai une grande chaleur. J e mourois dc
foif; & quoique je fulfe au milieu du N il. je ne pouvois attrapper une feule goutte
d’eau, pour me désaltérer. L e prompt écoulement dc l’eau rendoit les rochers de
granit fi gliffans, que je ne pouvois parvenir à prendre de l’eau avec la main. J ’y
faifois des efibrts inutiles. Heureufement mon Barbarin fut plus habile que moi. Il
T om . U . F f f
Voyez
P l a n c h e
C X X X IV .