P R E F A C E.
Une feule circonftance s oppofoit à un choix fi convenable.
Le Sr. Tufcher, quoique très habile dans l’Art
de graver, s’étoit propofé de quiter le Burin &. de s’en tenir
désormais au Pinceau, qu’il lui avoit de tout tems préféré.
Il confentit pourtant à fe charger d’un travail, qui
contribueroit àilluftrer la mémoire de fon Ami, & vint
pour cet effet à Copenhague, où deftiné à être Profeffeur
de l’Academie Royale de Peinture, de Sculpture & d’Ar-
chitedure, il auroit vù accroître fa réputation déjà fi bien
établie, fi la mort ne l’eut enlevé au milieu de fa carrière.
A fon arrivée à Copenhague les Deifeins lui furent
remis pour qu’il en commençât la gravure, & il fe mit à y
travailler avec ardeur, animé par cette tendre amitié qu’il
avoit eu pour le Défunt.
L ’Ouvrage en étoit là, quand leRoi FREDERIC V.
aujourd’hui glorieufcment régnant, peu après fon avènement
au Throne, donna ordre à notre Société de fe charger
du foin de le mettre en état de paroitre. Nous pleurions
encore notre Augufte Fondateur. L’amour du Fils
pour les Sciences fe manifefta d’abord, & les Beaux-Arts
en Dannemarc reconnurent que le Pays avoit changé de
Roi, mais que le même Protedeur leur reftoit.
La gravure des Planches n’exigea que la moindre partie
de notre attention. Le travail du Sr.Tufcher avancoit
toûjours. A fa mort toutes les Planches fe trouvèrent gravées,
à l’exception de la dernière ou 159™', qui répréfente
la vfie de Derri, & qu’on a été obligé de confier à d’autres
mains. Il avoit môme déjà deiiîné le Portrait de l’Auteur&
P R E F A C E .
& orné la Planche d’une médaille, qu’il avoit imaginée
pour iàire honneur à la mémoire de fon Ami. Mais les
infirmités qui précédèrent fa mort, ne lui permirent pas
d’en achever lui-même la gravure.
Les Mémoires demandoient plus d’application pour
être rédigés & mis au net. Il faloit railèmbler foigneufe-
ment les lambeaux épars de l’Ouvrage, les dilpofer de la
manière la plus conforme au plan, traduire en François ce
qui n’étoit encore qu’en Danois, retoucher le ftile, quand
il fe trouvoit négligé, & faire enfin de fon mieux pour
porter le tout au point de perfedion que les circonftances
permettoient d’atteindre.
Lorsqu’il fut queftion d’examiner les chofes en détail,
on vit trop bien la différence qu’il y auroit entre les articles
revus & achevés par l’Auteur, & ceux, auxquels il n’avoit
pù donner la dernière main. Cependant quelque forte
que put être la tentation de fuppléer aux vuides de fa relation,
& d’en éclaircir les obfcurités, au moyen des fecours
que d’autres Ecrivains anciens & modernes pourroient
fournir, des raifons folides défendoient de prendre ce parti.
Nous avions déclaré en termes exprès dans le Plan de
Soufcription, qu’on fuivroit fcrupuleufement les Journaux
de l’Auteur tels qu’il les avoit laiifés, & il paroit, que le
Défunt lui-même a voulu préferver fon Ouvrage de
tout mélange d’idées étrangères, par une eijpéce d’afibe
de dernière volonté, qu’il à laiflê écrit de fa propre
main fur un de fes Cahiers, (Sc que nous n’avons jamais
perdu de vûe en arrangeant fes Mémoires. Le voici:
e ”Si
I !